FOCUS SUR LA TELESURVEILLANCE : Le cadre expérimental et les outils de la télésurveillance (I)

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Redéfinition de l’organisation des soins, PROMs : un nouvel outil de la télésurveillance, MoovCare, ETAPES : cadre expérimental de la télésurveillance complété par l’article 51 de LFSS 2018

Eléonore Scaramozzino, Avocat

Vincent Darnige, Stagiaire

Introduction

La télémédecine est une pratique de la médecine, qui utilise les technologies de l’information et de la communication pour l’échange d’informations médicales (images, compte-rendu, enregistrements, etc.), en vue d’obtenir à distance un diagnostic, un avis spécialisé, la surveillance continue d’un malade, une décision thérapeutique. L’Organisation Mondiale de la Santé[1] définit depuis 1997 la télémédecine comme : « la prestation de services de santé, quand la distance est un facteur critique, par tout le professionnel de santé en utilisant les technologies de l’information et de la communication pour l’échange d’informations valables pour le diagnostic, le traitement et la prévention des maladies et des blessures, pour la recherche et l’évaluation et pour la formation continue des prestataires de soins et de santé, dans l’intérêt de promouvoir la santé des individus et leurs communautés

En 2020, la condition de « distance comme facteur critique » comme condition déterminant le recours à la télésanté est-elle toujours pertinente, notamment pour le suivi des maladies chroniques ? En d’autres termes, le recours à la télésurveillance définie comme une pratique de médecine à distance basée sur un processus continu de suivi des données du patient avec un dispositif de gestion d’alertes doit-il être restreint à une question d’égalité d’accès aux soins? Avec le développement des dispositifs médicaux connectés, qui permettent de collecter de manière de plus en plus précise les données de santé sur le lieu de vie des patients, et le recours à l’intelligence artificielle (IA) pour détecter de façon anticipée les situations à risque et dès lors déclencher une alerte auprès de l’équipe médicale, pour une réponse rapide et adaptée, forcer est de constater que le recours à la télésurveillance pour certaines maladies, ne se pose plus seulement en termes d’éloignement géographique, mais également en termes d’amélioration du service médical rendu. La télésurveillance permet une réelle personnalisation de la prise en charge du patient et de son suivi en continu. Elle contribue à réduire le nombre d’hospitalisation et le taux de mortalité, tout en améliorant la qualité de vie des patients. À côté de la connaissance de la maladie comme objet d’observation, le recours à des questionnaires sur le ressenti du traitement (Patient-Reported Outcomes Measures (PROMs) favorise la compréhension du patient-sujet en vie réelle, conduit à une adaptation en continue de la thérapie et participe à l’évaluation de la valeur d’un traitement. La télésurveillance offre ainsi une réelle opportunité pour accompagner l’évolution du parcours de santé, moins centré sur le curatif et plus orienté vers le préventif. Dans son rapport de 2017 concernant la sécurité sociale[2], la Cour des comptes précise qu’« en permettant d’éviter des hospitalisations, la télésurveillance des malades chroniques grâce à des dispositifs connectés apparaît comme la forme de télémédecine la plus prometteuse » en termes d’efficience. En redessinant une organisation des soins complexe, personnalisée, centrée sur le patient qui devient de plus en plus impliqué dans la gestion de sa maladie, la télésurveillance a un impact non seulement médical et organisationnel, mais également économique, légal et éthique. A la différence de la téléconsultation et la téléexpertise, la télésurveillance n’est pas encore entrée dans le droit commun. Elle se développe encore dans un cadre expérimental (I).

La crise sanitaire liée à la Covid-19 a favorisé le recours à la télésurveillance pour les patients insuffisants cardiaques et les patients diabétiques en assouplissant la réglementation. Dans ses 10 préconisations pour accélérer la télésanté après la Covid-19, la Société Française de Santé Digitale recommande de « faire passer la télésurveillance rapidement dans le « droit commun » » (10.bis)[3]. Le Ségur de la Santé prévoit de consacrer 1 ,4 à 2 milliards d’euros à la santé numérique. Dans les recommandations du rapport remis au Ministre de la santé le 21 juillet par Nicole Notat[4], la télésanté est identifiée parmi les moyens visant à faciliter l’accès aux soins de la population. Le déploiement de la télésurveillance dans le droit commun (faciliter les sorties d’hospitalisation/réduction des hospitalisations, prise en charge des maladies chroniques, cancer, diabète gestationnel, etc…), en incluant l’accompagnement thérapeutique est recommandé. Il est également recommandé de « poursuivre les travaux (MSS/HAS/CNAM/CEPS) pour un modèle global de la télésurveillance (accompagnement thérapeutique notamment), fixer les principes du financement de la télésurveillance et confier aux partenaires conventionnels le soin de fixer des tarifs pour une rémunération des médecins la pratiquant, examiner les possibilités de confier l’organisation de télésurveillance dans le cadre d’un exercice coordonné » [5]. Si les impacts de la télésurveillance sont réels dans plusieurs domaines, force est de constater que l’évaluation de ce service multidimensionnel reste complexe. Les différents modèles utilisés dans le monde n’abordent pas de la même manière chacune de ses dimensions. La sortie des expérimentations ETAPES prévue pour 2022 dessinera le modèle de droit commun de prise en charge de ces nouvelles organisations et de ces dispositifs (II).

Le Conseil du numérique en santé du 18 juin 2020 a dressé un état des lieux des avancées dans la feuille de route du numérique en santé. L’action 19 relative à la télésanté prévoit de définir un schéma cible de la télésurveillance et des processus d’évaluation pour référencement dans l’Espace Numérique Santé (ENS) et le bouquet de services. La télésurveillance figure dans les services socles de Ma Santé 2022. Ainsi, les services de télésurveillance devront être interopérables avec les autres services socles tels que le DMP, MSSanté, la e-prescription et devra respecter les référentiels élaborés par l’Agence du Numérique en Santé (ANS) dont notamment celui relatif à l’INS, la PGSSIS, le référentiel socle des plateformes de télémédecine du CI-SIS en lien avec les échanges de données de santé intervenant dans le cadre de la télémédecine…, afin d’être référencés sur la plateforme de bouquets de services aux professionnels de santé (III).


LE CADRE EXPERIMENTAL ET LES OUTILS DE LA TELESURVEILLANCE

L

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[1] C. Klersy, A. Silvestri, G. Gabutti, F. Regoli, and A. Auricchio, “A meta-analysis of remote monitoring of heart failure patients,” Journal of the American College of Cardiology, vol. 54, no. 18, pp. 1683–1694, 2009.

[2] Sécurité sociale, Chapitre VII : La télémédecine : une stratégie cohérente à mettre en œuvre, rapport Cour des Comptes 2017, spéc . p.303

[3] https://sfsd-umd.fr/10-preconisations-pour-accelerer-la-telesante-apres-le-covid-19/

[4] Nicole Notat, ex-secrétaire générale de la CFDT et nommée le 26 mai 2020 coordinatrice du Ségur de la santé

[5]https://documentcloud.adobe.com/link/review?uri=urn:aaid:scds:US:804ebdbe-202c-40c6-b18d-e66dbd745eba

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