Consentement aux soins & Numérique

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Le numérique dans le processus d’élaboration d’un consentement aux soins

Eléonore Scaramozzino, Avocat, Constellation Avocats

Evolution des enjeux éthiques relatifs au consentement dans le soin -Avis 136 Comité Consultatif National d’Ethique

Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a publié son avis sur l’évolution des enjeux éthiques relatifs au consentement dans le soin, adopté lors du comité plénier le 15 avril dernier.

Le CCNE avait déjà abordé les enjeux éthiques relatifs au consentement dans le champ de la santé notamment à l’occasion de plusieurs avis (*). Dans cet avis, le CCNE aborde notamment la notion de consentement dans le soin comme un processus évolutif, dépassant la conception traditionnelle d’un consentement binaire (oui/non). C’est au fil du temps, que va pouvoir s’élaborer, un consentement ou un refus. Le consentement ne se donne pas, il s’élabore : il est moins un acte qu’un processus Dans cette approche, il s’interroge sur le recours au numérique pour faciliter l’élaboration du consentement au soin.

 Le consentement du patient aux soins : un droit et une liberté fondamentale

La loi nᵒ 2002-303 du 4 mars 2002, dite « Loi Kouchner », relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé et la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale ont consolidé les droits des personnes malades, affirmé la nécessité de la recherche de leur consentement et l’ont rendu contraignante pour les soignants. Le consentement est précisé par l’article L1111-4 du code de la santé publique (CSP), et clarifié par l’ordonnance du 11 mars 2020 (Ordonnance n° 2020-232 du 11 mars 2020 relative au régime des décisions prises en matière de santé, de prise en charge ou d’accompagnement social ou médico-social à l’égard des personnes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection juridique). Il s’agit d’un droit et d’une liberté fondamentale – au titre de l’autonomie de la personne-, qui doit rester une priorité en toutes circonstances.

La recherche d’un consentement éclairé

Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. Le médecin doit informer son patient de façon loyale, explicite et adaptée afin que le consentement ou le refus puisse être éclairé. Le médecin a l’obligation de respecter la volonté de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité. Si, par sa volonté de refuser ou d’interrompre tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. Elle peut faire appel à un autre membre du corps médical. L’ensemble de la procédure est inscrit dans le dossier médical du patient.

Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6 CSP, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté. La limitation ou l’arrêt de traitement susceptible d’entraîner son décès ne peut être réalisé sans avoir respecté la procédure collégiale mentionnée à l’article L. 1110-5-1 CSP et les directives anticipées ou, à défaut, sans que la personne de confiance ou, à défaut la famille ou les proches, aient été consultés.

Le consentement du mineur, le cas échéant sous tutelle doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. Le consentement de la personne majeure faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne doit être obtenu si elle est apte à exprimer sa volonté, au besoin avec l’assistance de la personne chargée de sa protection. Lorsque cette condition n’est pas remplie, il appartient à la personne chargée de la mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne de donner son autorisation en tenant compte de l’avis exprimé par la personne protégée.

Sauf urgence, en cas de désaccord entre le majeur protégé et la personne chargée de sa protection, le juge autorise l’un ou l’autre à prendre la décision. Dans le cas où le refus d’un traitement par la personne titulaire de l’autorité parentale ou par le tuteur si le patient est un mineur, ou par la personne chargée de la mesure de protection juridique s’il s’agit d’un majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, risque d’entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur ou du majeur protégé, le médecin délivre les soins indispensables.

Le consentement : un processus évolutif

Le consentement n’est pas – ou n’est pas seulement – une procédure qu’il convient d’appliquer et de faire approuver à une personne. Il apparaît de plus en plus comme pouvant évoluer, dans le cadre d’une relation fondée sur une confiance réciproque, qui s’adapte au gré de l’évolution des choix de la personne malade et de son état pathologique. Le consentement est moins un acte qu’un processus.

Le consentement libre et éclairé n’est pas forcément le consentement formel (formulaire de consentement signé). Le processus de formation du consentement désigne le dialogue qui facilite la communication et la compréhension de l’information pertinente et qui permet de soupeser les avantages relatifs des options thérapeutiques proposées et d’examiner les options de rechange le cas échéant. Le consentement libre et éclairé exprès nécessite un réel échange d’information qui s’amorce à la première rencontre entre le médecin et le patient et se poursuit tout au long de la relation thérapeutique. La recherche d’un consentement libre et éclairé inclut l’acceptation de la possibilité d’un refus des soins. Le droit au refus de soins, de traitements ou d’investigations soulève des questions éthiques. L’éthique des professionnels de santé doit en particulier leur permettre de fondamentalement respecter de tels refus et questionnerait profondément toute mise en œuvre de techniques de retournement de son expression.

Le consentement ne se résume pas à un choix binaire (consentir ou refuser de consentir). La personne a le droit de changer d’avis, c’est-à-dire à retirer son consentement, ou à le donner après l’avoir initialement refusé aux différentes étapes de son parcours de santé et de vie. Le consentement est un processus plus qu’une procédure. Les personnes bénéficiant d’une mesure de protection juridique ont ce même droit à changer d’avis, sans que leur décision et leurs choix soient systématiquement dévalorisés ou déniés en raison de l’altération de leurs facultés psychiques. Elles doivent être néanmoins dument informées des conséquences notamment thérapeutiques de leur refus ou changement d’avis.

Le recours au numérique pour l’élaboration d’un consentement ?

Pour le CCNE, le numérique utilisé dans « une approche complémentaire à la relation humaine, permet d’être plus précis dans les informations rendues disponibles, plus flexible dans les capacités à moduler le consentement, plus formel sur l’accès aux informations, plus pédagogique par l’utilisation d’interfaces numériques appropriées. La numérisation des processus d’élaboration du consentement et de représentation des consentements pourrait aider à l’accompagnement des patients, si des outils digitaux de recueil du consentement, bénéficiant de la garantie humaine du numérique en santé, se développaient dans le respect des législations en vigueur ». L’utilisation du numérique pour aider à l’expression et à la mémoire du processus de consentement peut être envisagée. Il peut aider à valoriser une expression narrative, personnalisée, non réduite à une expression binaire et permet de laisser une trace objective de la narration et du processus de consentement.

Le CCNE recommande de recourir lorsque la complexité de l’explication le nécessite, à l’avis d’une personne extérieure ainsi qu’à de nouveaux supports et outils d’information.

(*)

  • 1998 : CCNE Avis 58 sur « le consentement éclairé et l’information des personnes qui se prêtent à des actes de soin ou de recherche » ;
  • 2005 : CCNE Avis 87 sur les enjeux relatifs « aux refus de traitements et à l’autonomie de la personne » ;
  • 2019 : CCNE Avis 130 lors d’une réflexion sur les « enjeux éthiques relatifs aux donnés massives de santé » (consentement à l’exploitation de données personnelles dans le cadre du soin ou de protocoles de recherche).

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