e-santé : Ma santé 2022

Ethique & IA : Rapport de l’OMS sur l’IA appliquée à la santé et 6 principes directeurs relatifs à sa conception et son utilisation

Selon le rapport de l’OMS consacré à l’éthique et à la gouvernance de l’intelligence artificielle dans le domaine de la santé, l’intelligence artificielle (IA) constitue un grand espoir pour améliorer la prestation des soins et la médecine dans le monde entier, à condition de placer l’éthique et les droits humains au cœur de sa conception, de son déploiement et de son utilisation. Il est le résultat de deux années de consultations menées par un groupe d’experts internationaux nommés par l’OMS.

L’IA pourrait notamment permettre aux patients de mieux maîtriser les soins de santé dont ils bénéficient et de mieux comprendre l’évolution de leurs besoins. Toutefois, ce nouveau rapport de l’OMS demande de ne pas surestimer les avantages de l’IA dans le domaine de la santé, en particulier lorsque cette technologie vient supplanter des investissements et des stratégies de base nécessaires pour parvenir à la couverture sanitaire universelle.

Il souligne également que les opportunités sont liées à des défis et à des risques, notamment une collecte et une utilisation contraires à l’éthique de données relatives à la santé, les biais introduits dans les algorithmes et les risques pour la sécurité des patients, la cybersécurité et l’environnement.

Le rapport précise :

  • les risques liées à l’utilisation non réglementée de cette technologie au regard des droits et les intérêts des patients et des communautés ;
  • le risque de biais dans l’entraînement des systèmes fondé sur des données collectées auprès de populations qui ne sont pas nécessairement les populations cibles/utilisatrices ;
  • La nécessité de tenir compte de la diversité des contextes socio-économiques et de soins de santé et de l’accompagnement d’une formation aux compétences numériques, des patients et des professionnels de santé ;
  • La nécessite de prise en compte des problèmes d’éthique et de droits humains à chaque étape de la conception, du développement et du déploiement d’une technologie s’appuyant sur l’intelligence artificielle.

Six principes pour la réglementation et la gouvernance de l’IA dans l’intérêt public

L’OMS propose que la réglementation et la gouvernance de l’IA reposent sur les 6 principes suivants :

  • Protéger l’autonomie de l’être humain : protection de la vie privée et de la confidentialité. Obligation de recueillir le consentement éclairé valide des patients.
  • Promouvoir le bien-être et la sécurité des personnes ainsi que l’intérêt public. Respect des règles relatives à la sécurité, à la précision et à l’efficacité pour des utilisations ou des indications bien définies.
  • Garantir la transparence, la clarté et l’intelligibilité.
  • Encourager la responsabilité et l’obligation de rendre des comptes. Des mécanismes efficaces doivent être mis en place pour permettre aux individus et aux groupes lésés par des décisions fondées sur des algorithmes de contester ces décisions et d’obtenir réparation.
  • Garantir l’inclusion et l’équité.
  • Promouvoir une IA réactive et durable. l’IA devrait répondre de manière adéquate et appropriée aux attentes et aux besoins et être conçus de sorte à réduire au minimum leurs conséquences environnementales et à accroître leur efficacité énergétique.

Ces principes guideront les travaux futurs de l’OMS en vue de garantir que le plein potentiel de l’IA en matière de soins de santé et de santé publique.

Le Conseil du Numérique de Santé s’est tenu le 18 juin dernier. Cette rencontre a été l’occasion de revenir sur l’utilité et le déploiement des outils numériques dans la crise COVID-19 et d’accélérer la feuille de route du numérique en santé auprès de l’ensemble des parties prenantes de la e-santé en France, institutionnelles, publiques et privées. Et cette dynamique a été menée sous les meilleurs auspices avec le soutien d’Olivier VERAN, Ministre des Solidarités et de la Santé, qui n’a pas manqué de remercier tous les acteurs du numérique en santé pour leur mobilisation exceptionnelle pendant la crise. Son discours a été marqué par son fort soutien à la feuille de route du numérique en santé et sa détermination de « redoubler d’efforts et d’ambition » pour l’accélérer, tous ensemble avec de nouvelles échéances pour les 18  mois à venir telles le déploiement de trois grandes nouvelles plateformes numériques nationales de la e-santé en France : l’espace numérique de santé, le bouquet de services numériques et enfin le Health Data Hub.

Lors de ce Conseil du Numérique de Santé, Olivier VERAN, Ministre des Solidarités et de la Santé, a confirmé son fort soutien pour la feuille de route du numérique en santé. Lors de son allocution, le Ministre s’est montré déterminé pour faire avancer la e-santé dans notre pays. Dans son introduction, Olivier VERAN réaffirme le rôle joué par le numérique pendant la COVID-19. Sur la base des trois grands piliers de la e-santé que sont l’éthique, la sécurité et l’interopérabilité, le ​Ministre a réaffirmé les principaux chantiers des 18 prochains mois : l’espace numérique de santé, le bouquet de services pour les professionnels de santé et le Health Data Hub. Enfin, le Ministre conclue sur la nécessaire accélération du virage numérique dans le médico-social.
En France, la e-santé, ça avance !

voir et revoir l’allocution du Ministre sur le site ANS

Dans son rapport de juin consacré à l’E-Santé : augmentons la dose ! , l’Institut Montaigne montre que la Covid-19 a été un révélateur de la faible digitalisation du système de santé français. « Le recours à la technologie et à la e-santé a mis en avant des degrés de maturité bien différents d’un pays à l’autre mais permet d’affirmer une chose : là où la technologie a été massivement utilisée, les conséquences de l’épidémie ont pu être jugulées plus rapidement et plus efficacement. En Allemagne, en Israël, en Corée du Sud, à Hong Kong, à Taïwan, c’est la mobilisation des technologies, l’exploitation des données de santé, le recours aux tests en grand nombre qui ont notamment permis une rapidité d’exécution pour endiguer l’épidémie. »

Le deuxième chapitre du rapport est consacré à l’analyse des freins au déploiement de la e-santé. L’absence d’une filière santé visible et unie en France constitue un des défis majeurs pour permettre une digitalisation puissante. Cette filière en devenir fait face à de nombreux conservatismes et silos et se voit trop souvent freinée par le poids des règlementations, les barrières culturelles et les contraintes financières.

L’analyse des difficultés rencontrées par les acteurs montre que les principaux obstacles au déploiement de la e-santé jusqu’à présent ont été :
◗ Les barrières à la pleine utilisation des données de santé
◗ Une trop faible incitation à l’usage de la télémédecine ainsi qu’un déficit de formation et d’équipement des professionnels de santé.
◗ Des dispositifs de financement de l’innovation peu coordonnés et peu lisible◗ Une filière santé hétérogène et peu structurée,
◗ Un pilotage et une gouvernance éclatés en matière d’e-santé,
◗ Un cadre d’évaluation peu adapté aux solutions intégrant la e-santé et ne permettant pas d’associer les patients.


Pour l’Institut Montaigne : « La puissance publique a lancé une feuille de route ambitieuse pour accélérer le virage numérique et a bien saisi l’intérêt de favoriser l’innovation et la e-santé. Mais le périmètre d’intervention des pouvoirs publics doit être revu pour se concentrer sur un rôle stratégique et donner à l’ensemble des
acteurs de terrain privés comme publics, plus d’autonomie et de capacité d’innovation. L’ensemble des parties prenantes doit se mettre en ordre
de marche pour produire les résultats espérés, au risque sinon d’accentuer davantage le retard culturel et opérationnel dans le développement des solutions
d’e-santé en France.
« 

Le troisième chapitre du rapport appelle à un New Deal de la santé en France dont les deux piliers sont l’utilisation des données de santé et la structuration de la filière industrielle. Pour l’Institut Montaigne le système doit être repensé à travers quatre axes :

◗ Axe 1 : s’appuyer sur la mobilisation des acteurs privés pour faire émerger
une véritable filière de la santé en France.
◗ Axe 2 : faire de la France un leader de la e-santé en facilitant l’accès aux
données de santé pour l’ensemble de l’écosystème.
◗ Axe 3 : construire un environnement réglementaire et technique propice au
renforcement de la filière santé et au développement de solutions innovantes.
◗ Axe 4 : bâtir une culture de la confiance autour du numérique et des données
de santé auprès de tous les acteurs.

Téléconsultation et Coronavirus : Sécurité des données de santé vs Urgence

Chloe Picavez, Juriste et Eléonore Scaramozzino, Avocat

L’avenant 6 à la convention médicale signé par les partenaires conventionnels le 14 juin 2018, et approuvé par arrêté ministériel du 1er août 2018, permet ainsi l’admission au remboursement de droit commun par l’assurance maladie des actes de téléconsultation à compter du 15 septembre 2018 et de téléexpertise à compter du 10 février 2019 (décret n°2018-788 du 13 septembre 2018).

Le Covid-19 favorise le recours à la téléconsultation, pour soigner tout en limitant les risques de propagation du virus. La télémédecine est une « forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication » (art. L.6316-1, Code de la Santé publique CSP). Elle comprend 5 actes (téléconsultation, téléexpertise, télésurveillance, téléassistance et régulation médicale (décret n°2010-1229 du 19 octobre 2010). La téléconsultation est une consultation réalisée via les technologies de l’information et de la communication entre un professionnel médical « téléconsultant » et un patient, lequel peut ou non être accompagné par un professionnel de santé. L’opportunité du recours à la télémédecine doit relever, dans le régime actuel, d’une appréciation au cas par cas des médecins, qui jugent de la pertinence d’une prise en charge médicale à distance plutôt qu’en présentiel. La téléconsultation s’inscrit ainsi dans un cadre assurant une prise en charge de qualité et respectueuse des principes d’organisation du système de soins. Le patient doit être informé des conditions de réalisation de la téléconsultation et avoir donné son consentement préalable à la réalisation de l’acte.

Pour pouvoir être pris en charge par l’Assurance Maladie, l’acte de téléconsultation repose sur deux exigences techniques : (i) le recours obligatoire à un échange vidéo (vidéotransmission) pour garantir les conditions garantissant la qualité de la consultation, la confidentialité et la sécurité des échanges conformément à l’article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale et (ii) la connexion à une solution sécurisée.

Les actes de téléconsultation sont remboursés par l’Assurance Maladie, sous réserve de répondre aux grands principes cumulatifs posés dans l’avenant 6 à la convention médicale 1) la téléconsultation doit s’inscrire dans le respect du parcours de soins coordonné avec orientation préalable du médecin traitant, 2) les patients doivent être connus du service du téléconsultant (consultation en présentiel dans les 12 mois précédant la téléconsultation) afin de pouvoir disposer des informations nécessaires à un suivi de qualité ; ce suivi implique également une alternance nécessaire de consultations en présentiel et de téléconsultations (consultation en présentiel nécessaire au cours des 12 derniers mois précédant chaque téléconsultation).

Coronavirus & Téléconsultation : régime dérogatoire jusqu’au 30 avril 2020

Le Décret n° 2020-227 du 9 mars 2020 adaptant les conditions du bénéfice des prestations en espèces d’assurance maladie et de prise en charge des actes de télémédecine pour les personnes exposées au Covid-19, facilite le recours à la téléconsultation jusqu’au 30 avril 2020.

Le décret détermine notamment les conditions dérogatoires de prise en charge des actes de télémédecine pour les personnes atteintes ou potentiellement infectées par le coronavirus, qui pourront en bénéficier même si : i) elles n’ont pas de médecin traitant pratiquant la téléconsultation, ii) ni été orientées par lui, iii) ni été connues du médecin téléconsultant. Cet assouplissement des conditions d’accès à un médecin pour les personnes présentant les symptômes du virus, doit être salué dans un contexte sanitaire marqué par la propagation du coronavirus, même si, selon les médecins, les symptômes respiratoires du Covid-19 nécessitent une auscultation du patient . Un accompagnement par un professionnel de santé (infirmière/infirmier libéral(e) au domicile, pharmacien(ne) d’officine à la pharmacie, infirmière/infirmier à l’Ehpad) assistant le professionnel médical pendant la téléconsultation, permettrait d’optimiser la pratique médicale à distance. En effet, s’il existe des signes respiratoires chez une personne âgée, il faut que cette téléconsultation se déroule en présence d’un professionnel de santé qui permettra au médecin de réaliser une auscultation pulmonaire à distance grâce à un stéthoscope connecté que le professionnel de santé promènera sur le thorax, à la demande du médecin. La prise de la saturation du sang en oxygène, avec un capteur au doigt, sera également très utile pour évaluer la sévérité des troubles respiratoires, ainsi que la collecte d’autres paramètres physiologiques comme le rythme cardiaque, la tension artérielle, la température, etc… Le cadre juridique et financier pour réaliser des téléconsultations assistées est en place, bien avant la survenue de l’épidémie du Covid-19. Les pharmaciens d’officine sont rémunérés pour assister un patient en téléconsultation avec son médecin traitant depuis septembre 2019 (arrêté du 2 septembre 2019 portant approbation de l’avenant n° 15 à la convention nationale du 4 mai 2012, organisant les rapports entres les pharmaciens titulaires d’officine et l’assurance maladie), et l’infirmier ou l’infirmière libéral(e) est rémunéré depuis le 1er janvier 2020 (avenant 6 de la convention infirmière).

Absence de précision sur les conditions techniques des téléconsultations pour le covid-19 ?

Si ces téléconsultations devront s’inscrire prioritairement dans le cadre d’organisations territoriales coordonnées, le décret ne traite pas des conditions techniques. Le gouvernement explique dans une notice que ces dernières pourront être réalisées en utilisant n’importe lequel des moyens technologiques actuellement disponibles pour réaliser une vidéotransmission (lieu dédié équipé mais aussi site ou application sécurisé via un ordinateur, une tablette ou un smartphone, équipé d’une webcam et relié à internet. Le ministre des Solidarités et de la Santé a cité comme exemple Facetime (Apple) et WhatsApp (Google) pour réaliser des téléconsultations. Cependant, ces plateformes ne sont pas sécurisées et ne permettent pas de transmettre des ordonnances cryptées, facturer le patient, télétransmettre à la caisse d’assurance maladie (CNAM) …..

Au regard de la protection des données de santé, cette ouverture aux GAFAM a suscité diverses craintes, dans la mesure où les conditions de sécurité imposées aux opérateurs de téléconsultation ne sont pas satisfaites (hébergement HDS, secret médical …principe de finalité, conservation des données) par ces plateformes. Dans son communiqué de presse la Société Française de Santé Digitale, SFSD, a rappelé que « la coordination des soins, l’usage de dispositifs médicaux connectés (mesure de la saturation en oxygène, stéthoscope électronique, thermomètre ou le tensiomètre) et le respect absolu du secret médical restent indispensables pour obtenir des téléconsultations utiles au diagnostic des formes cliniques graves d’infection au Covid-19 (tableau clinique de bronchopneumopathie)... »

Protection des données de santé vs « bénéfice-risque » ?

Face à l’urgence, le gouvernement a opté pour l’approche « bénéfice / risque » utilisée en médecine, et a choisi de faciliter le recours à la télémédecine, qui peut apporter une réponse pour réduire le risque de contagion et orienter au mieux les patients. Le CNOM est satisfait de cette solution transitoire car l’épidémie légitime de telles mesures. La rémunération des médecins sera la même que s’il s’agissait d’une consultation. La Cnil n’a pas été consultée préalablement à la publication de ce décret, qui instaure un régime dérogatoire limité au 30 avril 2020. Elle pourra néanmoins procéder à des contrôles conformément à sa stratégie de contrôle 2020, axée sur 3 thématiques : Sécurité des données de santé, Mobilités et services de proximité, les nouveaux usages des données de géolocalisation, et respect des dispositions applicables aux cookies et autres traceurs. La Cnil précise que « Les données de santé sont des données sensibles, qui font l’objet d’une protection spécifique par les textes (RGPD, loi Informatique et Libertés, Code de la santé publique, etc.) afin de garantir le respect de la vie privée des personnes. La CNIL souhaite, grâce à cette thématique prioritaire, s’intéresser plus particulièrement aux mesures de sécurité mises en œuvre par les professionnels de santé ou pour leur compte.« 

La réponse de l’écosystème au décret du 10 mars : les solutions sécurisées de téléconsultation en libre accès

Des solutions technologiques sécurisées existent et permettent de contourner la salle d’attente tout en protégeant les données de santé. L’ARS Ile-de-France a renforcé son dispositif régional de télémédecine, Ortif, en généralisant la téléconsultation directe patient. Cette initiative fait suite au décret du 10 mars facilitant la prise en charge des actes de télémédecine. Ce dispositif est dédié à l’ensemble des adhérents du SESAN. L’ARS Île-de-France, SESAN et NEHS Digital (titulaire du marché régional ORTIF), se sont mobilisés pour activer ce dispositif en 48 h. Ce dispositif, financé par l’ARS Île-de-France, est mis à disposition pour toute la durée de la situation de crise Covid-19. e-Kermed, l’offre régionale de santé Bretagne et piloté par la GCS e-Santé Bretagne, propose gratuitement pendant l’épisode de crise COVID-19, aux professionnels de santé, une solution de visioconférence médicale adaptée au contexte de la téléconsultation. Doctolib a été la première start-up à proposer à tous les médecins et patients de France d’utiliser son outil de téléconsultation gratuitement en mars et avril pour répondre à la propagation du coronavirus… Hellocare offre également son service de téléconsultation pendant la durée de l’épidémie, aux médecins qui veulent intégrer la téléconsultation dans leur mode de prise en charge…Face à l’épidémie, la French Tech se mobilise pour limiter la propagation du virus. Dans le cadre du projet COVID-TELE de l’Institut Pasteur de triage en amont du parcours patient COVID-19, la start-up Kelindi a lancé son application gratuite qui permet à toute personne qui pense avoir été exposée au Coronavirus d’effectuer un test en ligne. Conçue en Privacy-By-Design, son utilisation sera analysée dans le cadre d’une étude épidémiologique après consolidation des données dans le cadre du HealthDataHub.

Grande souscription nationale pour la création d’un fond de solidarité dédié au déploiement de la télémédecine lancée par l’Académie Francophone de Télémédecine

L’Académie Francophone de Télémédecine et de e-Santé, société savante et pionnière de la télémédecine propose, suite au décret n’2020-227 du 9 mars 2020 et de la crise sanitaire actuelle du COVID-19, une grande souscription nationale pour créer un fond de solidarité dédié à la télémédecine en France.L’ensemble des acteurs scientifiques et institutionnels de l’Académie Francophone de Télémédecine et de e-santé se mobilisent pour accompagner les pouvoirs publics dans la mise en oeuvre de cette souscription nationale en échos à l’épidémie de coronavirus. Cette initiative doit être accompagnée par le lancement d’un grand chantier national « Zéro Déserts Médicaux» qui repose sur un principe clé : « que n’importe quel citoyen, même dans les endroits les plus isolés, ait une réponse, en moins de 30 minutes, à sa question angoissante « Mais qu’est-ce-que j’ai ? » avec une prise en charge digne de ce nom ». Ce chantier reposant sur un plan quinquennal Haute Sécurité Santé permettrait de mailler le territoire encadré par une démarche certifiée HS2 (Haute Sécurité Santé). Son pilotage organisé en FIAT Force d’Intervention et d’Appui à la Télémédecine serait relayé par les préfets dans une démarche d’aménagement du territoire ce qui permettrait de trouver les solutions concrètes les plus adaptées à chacune des régions concernées en concertation avec les élus, les Industriels, les starts up et les professionnels et acteurs du monde de la santé et de l’action sociale comme le secteur de l’Assurance et des Mutuelles ayant déjà manifesté un soutien efficace. L’académie en lien direct avec tous les organismes médicaux et publics se veut coordinateurs de ce déploiement et va mobiliser l’ensemble des services publiques pour lancer cette souscription nationale. Ajoutez un 5ème P, celui de la proximité à la Médecine 4P ( Personnalisée, Préventive, Participative et Prédictive), selon Ghislaine Alajouanine, MC Institut de France, Présidente de l’Académie Francophone de Télémédecine et de e-santé, société savante. Organisée en « Task Force », cette institution a vocation de rendre des avis consultatifs et à donner des orientations stratégiques à la disposition des instances officielles.

De la téléconsultation au télésuivi des personnes infectées ou suspectées d’infection par le Covid-19

Le 9 mars, l’AP-HP et Nouveal e-santé ont lancé dans les hôpitaux Bichat et Pitié-Salpêtrière, deux établissements de santé de référence (ESR) pour le Covid-19 de l’AP-HP, une application destinée au suivi médical à domicile des patients infectés ou suspectés d’infection par le Covid-19, qui ne nécessitent pas d’hospitalisation. L’application gratuite COVIDOM, permet à ces patients ne présentant pas de signes de gravité de bénéficier d’un télésuivi à domicile via des questionnaires médicaux proposés une ou plusieurs fois par jour, en complément des mesures de confinement.

Le patient est enregistré sur la plateforme par un médecin (connexion à la plateforme, inscription du patient en saisissant ses données administratives et les données médicales utiles), et bénéficie d’un identifiant et d’un mot de passe uniques. Au sein de l’app, le patient est interrogé sur son niveau de température ou sur une possible gêne respiratoire. La fréquence du questionnaire est variable en fonction de la stratification du risque et de la période). En cas de signes alarmants, il est précisé que “l’équipe soignante est alertée et contacte le patient pour éventuellement adapter le suivi et la prise en charge”. Le suivi des patients inclus dans Covidom s’effectue depuis un centre de télésurveillance médicale. Comme le précise l’AP-HP dans son communiqué de presse « Cet outil constitue une réponse adaptée qui va par ailleurs nourrir les travaux en cours pour l’accompagnement de la prise en charge des patients en ville« . Le CHU de Rennes a mis en place un service de télésuivi gratuit SIH Solutions

La plateforme d’accompagnement personnalisé CoviDIAB : Programme personnalisé d’accompagnement en ligne pour les diabétiques en période d’épidémie COVID-19. Ce programme est animé par des médecins et soignants hospitaliers, et soutenu par l’AP-HP et des équipes de recherche INSERM. L’application permet de réaliser son parcours personnalisé, recevoir des messages, consulter sa médiathèque de médias (vidéos, fiches conseil…) L’application constitue un véritable lien interactif avec les soignants, et une source fiable et actualisées d’informations validées . Cette application e-santé est proposée par la Fédération des Services Hospitaliers de Diabétologie (Hôpital Bichat, Pr Roussel ; Hôpital Cochin, Pr Larger, Hôpital Lariboisière, Pr Gautier) et le Centre de Responsabilité de Santé Connectée de l’AP-HP (Dr Boris Hansel, Pr Patrick Nataf)

Référencement des solutions de téléconsultation et télésuivi par le Ministère sous la responsabilité des éditeurs de solutions

Le Ministère des Solidarités et de la Santé encourage les médecins et infirmiers à s’équiper en solutions de téléconsultation et de télésuivi pour prendre en charge des atteints de COVID-19. A cet effet, il a référencé les solutions disponibles en télésanté avec, pour chacune, les fonctionnalités proposées et le niveau de sécurité garanti. Cette liste est établie à partir d’une auto-déclaration par les éditeurs de solutions, qui engagent ainsi leur responsabilité. Il est précisé que « Ces solutions numériques recouvrent tout aussi bien des logiciels, des plateformes, des accès web, des applications spécifiques permettant un acte médical ou une activité de soin à distance. » Cette liste n’est pas exhaustive et tout éditeur peut être recensé via un formulaire https://telemedecine-covid19.esante.gouv.fr/ Par ailleurs, le site du Ministère impose aux professionnels de santé d’utiliser des outils (qu’ils soient référencés ou non), « respectant le règlement général sur la protection des données (RGPD), la réglementation relative à l’hébergement des données de santé (HDS) et la politique générale de sécurité des systèmes d’information en santé (PGS-SIS). Toutefois, en cas d’impossibilité et exclusivement dans le cadre de la réponse à l’épidémie de COVID-19 les professionnels peuvent utiliser d’autres outils (arrêté en cours de parution)« .

Les critères d’évaluation retenus : qualité et sécurité au moins équivalentes à celles d’une prise en charge classique.

Spécificités du cadre réglementaire de la téléconsultation

Information & Consentement pour la téléconsultation

Le patient doit être informé de tous les aspects de sa prise en charge (article L.1111-2 du Code de la santé publique). Une information spécifique portant sur le procédé de télémédecine doit être intégrée à l’information du patient. Ainsi, la distanciation créée par la téléconsultation suppose que le patient soit clairement informé des rôles et identités des professionnels, de ce qui est vu à distance, de ce qui est enregistré, pour combien de temps et pour quel usage, des risques spécifiques inhérents à ce type d’acte et de la différence avec une prise en charge classique, etc. Le rôle de chacun des intervenants dans le dispositif de prise en charge doit avoir été préalablement décrit, sous forme de protocoles ou procédures de soins, auxquels le patient doit pouvoir avoir accès lorsqu’il le souhaite. Le patient qui refuserait cette forme de prise en charge doit être mis à même de recourir à une prise  en charge en face-à-face réel. Cependant, le patient doit également être informé, sans contrainte, que  les médecins ne sauraient être tenus pour responsables des dommages  qui résulteraient du retard de prise  en charge qui découlerait du seul fait de son refus d’avoir recours à l’acte de téléconsultation préconisé. Cette information spécifique du patent imposée par la réglementation de la télémédecine est différente du droit à l’information du RGPD (art 12) et des mentions d’information obligatoire de l’art 13. Cette information se superpose à l’information du RGPD. En outre, les « outils » de téléconsultation doivent prévoir une procédure de recueil du consentement du patient. En effet les actes de télémédecine sont réalisés avec le consentement libre et éclairé de la personne (art L 111-4 CSP). (art R-6316-2 CSP).

L’hébergement des données de santé générées par l’acte de téléconsultation :

L’hébergement HDS est réalisé après que la personne prise en charge en a été dûment informée et sauf opposition pour un motif légitime (art L 1111-8-I du CSP). Tout hébergement de données de santé effectué par un réseau de télémédecine doit être certifié HDS. L’hébergement des données de santé se pose avec acuité lorsqu’une téléconsultation nécessite l’avis d’un expert et donc d’une téléexpertise. La téléexpertise a pour objet de permettre à un professionnel médical de solliciter à distance l’avis d’un ou plusieurs professionnels médicaux en raison de leurs formations ou de leurs compétences particulières, sur la base des informations médicales liées à la prise en charge d’un patient.

Les données de santé résultant de la téléconsultation sont transmises dans le cadre de la téléexpertise au Médecin requis par le Médecin requérant. Les deux médecins sont dans des établissements de santé différents.

Option n°1 : Patient du médecin requérant Si le médecin requis conserve les données de santé résultant de la téléconsultation et transmises dans le cadre de la téléexpertise, pour le compte de l’établissement du Médecin requérant, responsable de traitement, l’établissement de santé du médecin requis est qualifié d’hébergeur, au sens de l’article L 1 111-8 du CSP. La téléexpertise peut s’effectuer soit en temps réel, en présence du patient près du médecin requérant, soit en temps différé sans la présence du patient. Le médecin requis doit inscrire le compte-rendu de la réalisation de l’acte ainsi que les actes et prescriptions médicamenteuses effectuées dans le cadre de l’acte de télémédecine (art R-6316-4 CSP) dans le DMP. Dans le cadre de la téléexpertise stricto sensu, le médecin requis intervient en présence du patient après recueil du consentement à l’acte de télémédecine (art R 6316-2 du CSP). Il devient un acteur à part entière de la prise en charge médicale du patient. Il assume la responsabilité inhérente à sa participation à l’acte, sur la base des informations transmises. Si l’intervention du médecin requis est différée, la téléexpertise se rapproche du second avis, pour répondre à des interrogations sur une situation complexe ou conforter une prise de décision médicale. Le consentement du patient n’est pas requis, Par contre, l’information du patient a posteriori est nécessaire et fait partie des bonnes règles de communication entre un médecin et un patient. Cette forme de téléexpertise ne doit pas être confondue ou assimilée au deuxième avis, pris par le patient lui-même auprès d’un autre médecin.

Option n°2 : Patient commun : Si le médecin requis intervient dans le cadre d’une prise en charge d’un patient commun, il n’est pas hébergeur. Les données de santé résultant de la téléconsultation sont transmises dans le cadre de la téléexpertise au Médecin requis par le Médecin requérant. L’établissement de santé du médecin requis est responsable de traitement.

Traçabilité des actes de téléconsultation notamment dans le DM

En application de l’article R . 6316-4 du CSP, «Sont inscrits dans le dossier du patient tenu par chaque professionnel médical intervenant dans l’acte de télémédecine et dans la fiche d’observation mentionnée à l’article R. 4127-45 : 1° Le compte rendu de la réalisation de l’acte ; 2° Les actes et les prescriptions médicamenteuses effectués dans le cadre de l’acte de télémédecine ; 3° L’identité des professionnels de santé participant à l’acte ; 4° La date et l’heure de l’acte ; 5° Le cas échéant, les incidents techniques survenus au cours de l’acte ». Par ailleurs les échanges entre professionnels de santé doivent être tracés.

Responsabilité civile professionnelle et responsabilité pénale

Toute activité de télémédecine  doit faire l’objet d’une assurance  en responsabilité. Les professionnels de santé qui participent à un acte de télémédecine doivent être en situation d’exercice légal de leur profession et donc couverts par une assurance en responsabilité civile professionnelle. Pour les actions indemnitaires, par lesquelles un patient cherche à être indemnisé d’un dommage, il convient de distinguer selon le statut du professionnel de santé.

1/ Responsabilité d’un professionnel de santé exerçant dans un établissement de santé public : lorsqu’un professionnel de santé bénéficiant du statut d’agent de la fonction publique hospitalière provoque par sa faute un dommage, il appartient à l’hôpital d’indemniser la victime. Cette règle se justifie par le fait qu’il est considéré que le professionnel de santé, même jouissant d’une indépendance professionnelle, a trouvé les moyens de son ac acte (et de sa faute éventuelle) dans la mission d’exécution des soins qui lui a été confiée par l’hôpital. La faute commise est ainsi une faute de service dont l’hôpital doit répondre (sauf hypothèse rare de la faute détachable des fonctions). C’est la responsabilité du centre hospitalier qui se trouverait engagée, pour un défaut d’organisation du service ou pour une faute commise par son agent, ici au titre de la télémédecine.

2/ Responsabilité d’un professionnel de santé salarié d’un établissement privé : Le professionnel de santé salarié ne peut voir sa responsabilité personnelle engagée, dès lors qu’il a agi dans le cadre des fonctions qui lui ont été confiées par l’employeur. Ce dernier doit indemniser le patient au titre des fautes ou manquements commis par le professionnel de santé salarié, sauf si le salarié ne doit pas avoir commis d’abus de fonction justifiant que sa responsabilité personnelle soit recherchée. Cette notion relativement restrictive est cependant rarement retenue par les tribunaux.

3/ Responsabilité d’un professionnel de santé exerçant à titre libéral : Les demandes financières des patients relèvent de la responsabilité personnelle du professionnel de santé et sont couvertes par son contrat d’assurance en responsabilité civile professionnelle.

La responsabilité pénale est strictement personnelle. Ainsi, chaque professionnel de santé est responsable de ses propres actes et doit répondre de ses agissements.

Réglementation

update 24.03.2020 A suivre ….