PLFSS 2022 : Remboursement de la Télésurveillance 

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Article 24 PLFSS 2022 : Adoption par le Sénat en première lecture

Prise en charge de la télésurveillance par l’Assurance Maladie : Rendez-vous le 1er juillet 2022

Eléonore Scaramozzino, Avocat Partenaire de Constellation Avocats

La télésurveillance, un des cinq activités de télémédecine, se définit comme une activité de surveillance médicale associée à un dispositif médical numérique ayant pour objet la collecte, l’analyse et la transmission de données et l’émission d’alerte. La prise en charge par l’assurance maladie, prévue par l’article 24 du PLFSS 2022, est forfaitaire, fixée par arrêté du Ministre de la Santé, après évaluation de la HAS. Cette prise en charge est conditionnée à une utilisation effective qui nécessite un contrôle des données par l’Assurance Maladie et donc le consentement du patient pour l’utilisation de ses données. Le prix maximal des dispositifs médicaux numériques de télésurveillance et des accessoires de collecte associés est encadré. Pour les dispositifs médicaux numériques de télésurveillance innovants, l’article 33 du PLFSS prévoit un accès à une prise en charge anticipée. Le remboursement de la télésurveillance entrera en vigueur le 1er juillet 2022. Le programme ETAPES prendra fin le 1er aout 2022 et la prise en charge transitoire est programmée pour le 31 décembre 2022.

La télésurveillance est avant tout une pratique médicale intégrée dans la télémédecine. Elle poursuit plusieurs objectifs de santé publique que sont l’amélioration de la qualité de la prise en charge au plus près du lieu de vie, la réduction des inégalités d’accès aux soins pour les usagers isolés géographiquement ou socialement ainsi que la simplification du suivi des patients, dans un contexte de vieillissement de la population et d’augmentation des pathologies chroniques. Elle a été introduite avec les 4 autres pratique de la télémédecine (téléconsultation, téléexpertise, téléassistance médicale; régulation de l’aide médicale urgente) par la Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires et le Décret n° 2010-1229 du 19 octobre 2010 relatif à la télémédecine.

Dans un rapport d’évaluation de décembre 2020 « Evaluation économique de la télésurveillance pour éclairer la décision publique, Quels sont les choix efficients au regard de l’analyse de la littérature ? 10.12.2020, la Haute Autorité de santé (HAS) constate que 72 % des études concluent à des gains d’efficience de la télésurveillance par rapport à la stratégie comparée. Les experts mobilisés par la HAS ont notamment identifié, comme facteurs de valeur ajoutée de la télésurveillance,

  • « le suivi des indicateurs cliniques et autres indicateurs,
  • le traitement des données et les résultats transmis »,
  • « l’amélioration de la communication avec le patient, sa facilitation »,
  • « la coordination autour du patient, les coopérations interprofessionnelles, la prise en charge dans sa globalité »
  • « l’autonomisation du patient, l’empowerment (transfert de la responsabilité des soins vers le patient). »

La télésurveillance, favorise la modernisation des pratiques et le renforcement de l’accès aux soins poursuivis par la stratégie « Ma Santé 2022 » (action 18). Le développement de la télésanté dans tous les territoires a été confirmé parmi les priorités du Ségur de la santé de l’été 2020 dont la mesure 24 comprend un engagement du Gouvernement à « fixer le périmètre et les principes du financement de la télésurveillance puis confier aux partenaires conventionnels le soin de définir la rémunération afférente » (Ségur de la Santé). Le passage de l’expérimentation ETAPES au droit commun était attendu.

I- Fin du programme ETAPES

La télésurveillance médicale a été mise ne œuvre à travers le programme ETAPES pour 5 pathologies : l’insuffisance cardiaque, l’insuffisance rénale, l’insuffisance respiratoire, le diabète et les prothèses cardiaques implantables.

Afin de garantir la continuité de la prise en charge des patients participant à cette expérimentation, les expérimentateurs engagés dans l’expérimentation continueront de bénéficier de la prise en charge financière prévue dans le cadre de l’expérimentation, sous réserve d’avoir déposé auprès des ministres compétents et de la HAS une demande d’inscription sur la liste des activités de télésurveillance prises en charge en application du nouvel article L. 162-52 du code de la sécurité sociale, au plus tard un mois après l’entrée en vigueur du régime de droit commun de la télésurveillance médicale. Cette prise en charge transitoire prend fin au plus tard le 31 décembre 2022.

II- Conditions de prise en charge de l’activité de télésurveillance médicale

L’article 24 du PLFSS 2022 introduit une nouvelle section, la Section 11 nouvelle du chapitre II du titre VI du livre I du code de la sécurité sociale, consacrée à la télésurveillance médicale (Art L 162-48 à L 162-57 du CSS). L’article L. 162-48 CSS définit le périmètre des activités de télésurveillance médicale qui recouvrent deux types d’interventions combinées :

Le DM numérique de télésurveillance médicale est un DM répondant à la définition de l’article 2 du

Règlement 2017/745 (UE) du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017. Un dispositif médical se définit comme « tout instrument, appareil, équipement, logiciel, implant, réactif, matière ou autre article, destiné par le fabricant à être utilisé, seul ou en association, chez l’homme pour l’une ou plusieurs des fins médicales précises suivantes :

  • diagnostic, prévention, contrôle, prédiction, pronostic, traitement ou atténuation d’une maladie,
    • diagnostic, contrôle, traitement, atténuation d’une blessure ou d’un handicap ou compensation de ceux-ci,
    • investigation, remplacement ou modification d’une structure ou fonction anatomique ou d’un processus ou état physiologique ou pathologique,
    • communication d’informations au moyen d’un examen in vitro d’échantillons provenant du corps humain, y compris les dons d’organes, de sang et de tissus, et dont l’action principale voulue dans ou sur le corps humain n’est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens. […] »

Et relève du périmètre de la télésurveillance médicale uniquement au titre de leurs fonctionnalités de télésurveillance. En ce qui concerne les fonctionnalités thérapeutiques, celles-ci sont soumises aux dispositions du RDM.

Conditions et modalités d’inscription des activités de télésurveillance sur la liste ouvrant droit à prise en charge ou remboursement par l’assurance maladie

Dispositif ex ante : autorisation préalable de l’ARS : Ce dispositif d’autorisation préalable permettra de s’assurer que l’opérateur de télésurveillance a pour objectif de garantir la qualité et la sécurité des soins. L’ARS suspendra l’autorisation en cas de manquement de la part de l’opérateur de télésurveillance à ses obligations.

Inscription sur la liste des activités de télésurveillance remboursées par l’Assurance maladie

Le nouvel article L. 162-52 CSS précise les conditions et modalités d’inscription des activités de télésurveillance sur la liste ouvrant droit à prise en charge ou remboursement par l’assurance maladie. Un arrêté ministériel sous la forme d’un référentiel proposé par la HAS, définira les exigences minimales applicables à l’organisation de l’activité de télésurveillance, la description d’une ligne générique utilisé dans le cadre de la télésurveillance et, le cas échéant, des accessoires de collecte associés. Si le DM numérique de télésurveillance ne correspond à aucune ligne générique, l’inscription pourra être nominative, sous le nom de marque ou le nom commercial du dispositif et des éventuels accessoires de collecte associés.

Validation de la conformité au référentiel

  • déclaration de conformité aux référentiels d’interopérabilité et de sécurité prévus à l’article L. 1470-5 du CSP sera établie par un organisme désigné par décret, a priori par l’Agence du numérique en santé (ANS)
  • Pour le reste, la CNEDiMT est compétente.

Après validation, les DM numériques conformes seront inscrits par les Ministères de la Santé et de la Sécurité Sociale, sur une liste publiée sur le site du ministère de la santé. L’inscription du DM numérique de télésurveillance se fera sur la « liste télésurveillance », spécifique mêlant activités de soins à l’utilisation d’un DM (art L 162-52 CSS). Cette liste est distincte de la LPPR (art L 165-1 CSS).

Un DM numérique de télésurveillance médicale peut avoir des fonctionnalités thérapeutiques/ diagnostic pour ces fonctionnalités le DM pourra être inscrit sur la LPPR (art L 165-1 CSP), en revanche les fonctionnalités de télésurveillance ne peuvent être prise en charge que si elles sont inscrites sur la liste spécifique nouvelle, avec une rémunération au forfait.

Condition d’interopérabilité renforcée par le Sénat :

Garantir l’interopérabilité des données collectées et exportées par les dispositifs médicaux numériques est une exigence de la feuille de route de ma Santé 2022. L’interopérabilité doit être technique et sémantique.

  • Interopérabilité technique : interopérabilité des formats : Dans le contexte de déploiement de l’espace numérique de santé (ENS) et du dossier médical partagé (DMP) fixés au 1er janvier 2022, l’interopérabilité des données collectées par les dispositifs médicaux numériques constitue l’une des principales clés du succès de la télésurveillance médicale. Les données relatives aux paramètres vitaux des patients doivent en effet être exportables dans des formats interopérables appropriés afin de pouvoir être exploitées par les équipes soignantes. Les DM doivent permettre d’exporter les données traitées dans des formats interopérables appropriés et comporter, le cas échéant, des interfaces permettant l’échange de données avec des dispositifs ou accessoires de collecte des paramètres vitaux du patient.(amendement n° 147 adopté par le Sénat).
  • Interopérabilité sémantique : nomenclature : Le Sénat a adopté un amendement visant à insérer les mots « nomenclatures ». L’interopérabilité sémantique joue un rôle tout autant central dans le développement des systèmes d’information en santé (SIS) que l’interopérabilité technique.  Les données collectées doivent être non seulement dans un format mais également dans une nomenclature interopérable. L’ajout du terme « nomenclature » précise la nécessité d’une interopérabilité sémantique pour le déploiement en santé d’outils et de systèmes d’informations.

III- Modification des référentiels de remboursement

Le nouvel article L. 162-53 du code de la sécurité sociale définit les conditions dans lesquelles les référentiels de remboursement des activités de télésurveillance peuvent être modifiés pour tenir compte des progrès apportés par un couple organisation-dispositif médical numérique par rapport à une prise en charge de référence. La CNEDiMTS de la HAS déterminera, parmi les demandes d’inscription d’un couple organisation-dispositif médical numérique ne visant pas une inscription sur une ligne générique, celles qui présentent une amélioration de la prestation médicale,

  • soit au regard des référentiels existants dans l’indication concernée,
  • soit au regard de la même prise en charge sans recours à la télésurveillance.

En cas de progrès par rapport aux prises en charge de référence, le nouvel entrant sera inscrit et l’ancien référentiel de prise en charge sera radié de la liste au terme d’une période de dégressivité de la rémunération dans des conditions fixées par décret

L’arrêt progressif de la prise en charge des référentiels moins pertinents sur le plan médical

Dès lors que la HAS estimera qu’un nouveau référentiel de télésurveillance apporte, pour une indication donnée, un progrès plus important qu’un référentiel existant, ce dernier verra sa prise en charge progressivement diminuer et sera radié, au bout d’un certain temps, de la liste des solutions de télésurveillance qui peuvent être prises en charge par l’assurance maladie( Art L. 162-53, al 2 CSS). La dégressivité de la prise en charge devra se faire sur un temps suffisamment long pour permettre la continuité de traitement des patients et laisser le temps aux équipes de télésurveillance de s’adapter.

IV -Rémunération de l’activité de télésurveillance : forfait

L’article L. 162-54 établit ainsi un mode de rémunération forfaitaire des activités de télésurveillance. Le montant forfaitaire de prise en charge ou de remboursement sera fixé par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.

Il comprendra une base forfaitaire, déterminée par voie règlementaire, qui tiendra compte

  • -des moyens humains nécessaires à la surveillance médicale ;
  • des caractéristiques des dispositifs médicaux numériques.

Cette base forfaitaire sera modulée en fonction d’éléments tenant aux spécificités de l’activité de télésurveillance considérée et d’éléments déterminant la dynamique de la dépense de remboursement.

Le Sénat a ainsi adopté l’amendement n° 148 de la Commission des Affaires Sociales au nouvel article L. 162-54 du code de la sécurité sociale prévoyant de dissocier dans la rémunération forfaitaire globale deux forfaits

Encadre du prix maximal des DM numériques de télésurveillance

Le nouvel article L. 162-55 autorise les ministres de l’économie, de la santé et de la sécurité sociale à fixer par arrêté le prix maximal des dispositifs médicaux numériques de télésurveillance et des accessoires de collecte associés.Ce prix maximal comprendra les marges prévues ainsi que les taxes applicables, afin de limiter le reste à charge pour l’assureur.

Condition de remboursement : utilisation effective du DM

 Le nouvel article L. 162-56 du CSS précise que le remboursement seront subordonnées à l’utilisation effective du dispositif médical numérique de télésurveillance par le patient et, le cas échéant, à l’atteinte de résultats individualisées ou nationaux d’utilisation en vie réelle, évalués sur le fondement d’indicateurs qui auront été définis par la HAS dans le référentiel de télésurveillance.

Le nouvel article L. 162-57 du CSS prévoit qu’un décret en Conseil d’État déterminera les modalités d’application des dispositions relatives à la télésurveillance médicale.

Le Sénat a ainsi adopté un amendement n° 149, avec avis négatif du Gouvernement, précisant qu’en cas de refus du patient à la transmission par le professionnel de santé des données, nécessaires à la mise en oeuvre du contrôle de cette utilisation effective, l’activité de télésurveillance ne pourra être prise en charge. Si la prise en charge a déjà été enclenchée, elle sera alors suspendue.

Le niveau de prise en charge pourra être modulé, voire suspendu en cas d’inutilisation répétée du dispositif.

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