
Un Comité d’éthique local des recherches à la place des CPP pour les RIPH non interventionnelles ?
PLFSS2022 : Article 16 ter (moyens et missions des comités de protection des personnes) introduit par l’AN
Eléonore Scaramozzino, Avocat Partenaire de Constellation Avocats
Mise à jour du 10.11.2021
Contre l’avis défavorable du Gouvernement, le Sénat a adopté l’amendement n°144 de la Commission des Affaires sociales du Sénat, visant à supprimer les dispositions relatives à la réforme de l’évaluation éthique des recherches biomédicales. Cet amendement n°144 précise que « Bien que les dispositions du II de l’article 16 ter présentent un intérêt évident en termes de rationalisation de l’évaluation éthique des recherches biomédicales, elles sont étrangères au champ des lois de financement de la sécurité sociale tel que défini par l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Face au risque d’inconstitutionnalité encouru par ces dispositions, cet amendement vise à les supprimer afin de ne conserver que la disposition d’ordre financier (augmentation de la contribution de l’industrie pharmaceutique) qui relève bien du champ des LFSS ».
Le 26 octobre 2021, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture le Projet de loi de finance pour la Sécurité Sociale de 2022 (PLFSS2022). Elle a introduit au Chapitre IV “Harmoniser les règles relatives aux contributions pharmaceutiques”, un article 16 ter (moyens et missions des comités de protection des personnes) visant notamment à réformer l’évaluation éthique des recherches non interventionnelle, à augmenter le taux de contribution sur le chiffre d’affaires des entreprises pharmaceutique, à pérenniser la procédure fast track dérogatoire à la procédure de tirage au sort des comités de protection des personnes (CPP) introduite pendant la crise sanitaire pour les recherches en lien avec le Covid et à permettre la réalisation des essais cliniques ambulatoires aux domiciles des participants. Si la réforme de l’évaluation éthique des recherches se révèle nécessaire, peut-elle être pour autant traitée dans une loi de finance de la sécurité sociale ? La Commission des Affaires Sociales du Sénat évoque un risque d’inconstitutionnalité au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les cavaliers sociaux ? Néanmoins, cet article nous permet de revenir sur l’indispensable amélioration du fonctionnement de CPP à quelques mois de l’entrée en vigueur du Règlement (UE) n° 536/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain et abrogeant la directive 2001/20/CE, prévue pour le 31 janvier 2022
Augmentation de la contribution de base de l’industrie pharmaceutique
Position de l’Assemblée Nationale
L’article 16 ter I prévoit une augmentation de 1,18% à 0,2% du taux de la contribution sur le chiffre d’affaires à laquelle sont assujetties les entreprises pharmaceutique (art L -245-6 CSS). Cette augmentation de la contribution de base sur la vente des spécialités pharmaceutiques devrait alimenter le budget des CPP. Elle devrait permettre d’améliorer leur fonctionnement, dont 34 CPP sur 39 continuent de fonctionner avec seulement un équivalent temps plein (ETP). Ce qui entrave leur capacité à gérer sur le plan administratif les dossiers.

Position de la Commission des Affaires Sociale du Sénat
Dans son rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l’Assemblée Nationale

pour 2022, la Commission des Affaires sociales considère que le circuit est problématique au regard de l’indépendance de l’ANSM par rapport à la perception de taxes et redevances de l’industrie pharmaceutique. Une part du produit d’une contribution des laboratoires pharmaceutiques serait reversée dans le budget de l’ANSM pour être reversé aux CPP.
La Commission propose un autre circuit. Le reversement du rendement tiré de l’augmentation de la contribution de base de l’industrie pharmaceutique sur la dotation nationale de financement des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (Migac), afin qu’il vienne alimenter le budget des hôpitaux auxquels sont rattachés les CPP.
Réforme des conditions d’évaluation éthique des projets de recherche non interventionnelle
Position de l’Assemblée Nationale
L’article 16 –II ter introduit par l’Assemblée Nationale vise à réformer les conditions d’évaluation éthique des projets de recherche biomédicale à caractère non interventionnel. Les CPP laisseraient ainsi leur place aux Comités d’éthique locaux de la recherche pour les RIPH non interventionnelles et se consacreraient aux RIPH interventionnelles (RIPH-1 et RIPH-2). Une recherche non interventionnelle est définie comme une recherche ne comportant aucun risque ni contrainte et dans laquelle tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle (art L 1121-1 CSP).
Les règles de fonctionnement et leur durée seront fixées par le Ministre de la Santé, leurs membres seront nommés par le Directeur de l’ARS territorialement compétente. Une commission nationale de coordination et de recours des comités d’éthique locaux de la recherche, chargée de coordonner, d’harmoniser et d’évaluer les pratiques de ces comités, sur le modèle de la commission nationale des RIPH (CNRIPH) pour les CPP sera instituée. Cette commission se voit reconnaître, à la différence de la CNRIPH, une compétence pour statuer « en appel » sur le recours formé, le cas échéant, par un promoteur contre un avis défavorable rendu par un comité d’éthique local de la recherche.

Cet article confie également aux établissements de santé une mission de réflexion, en leur sein sur l’éthique liée à la recherche en santé et leur permet, à cette fin, de créer un comité d’éthique local de la recherche.
Position du Sénat
L’insertion dans un PLFSS de dispositions relatives aux conditions d’examen des projets de RIPH et à la création de comités d’éthique locaux de la recherche pose des questions sur le plan constitutionnel. Sont-elles hors du champ des lois de financement de la sécurité sociale ? Selon la Commission ces dispositions relèvent d’une loi sur la bioéthique ou loi sur la sécurité du médicament. Dans ces conditions, la Commission des Affaires Sociales du Sénat a adopté un amendement n° 144 de suppression du II de l’article 16 ter. Le Sénat a adopté l’amendement n°144 , contre l’avis du Gouvernement.
L’évaluation éthique de la recherche impliquant la personne humaine : une réforme attendue
Cet article 16-ter s’inscrit dans une volonté de réformer le fonctionnement des CPP. Un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) de janvier 2014 (Évolution des comités de protection des personnes (CPP) évaluant les projets de recherche impliquant la personne humaine, après la loi « Jardé » du 5 mars 2012, rapport n° 2013-103R de l’inspection générale des affaires sociales, janvier 2014) préconisait déjà plusieurs pistes de modernisation du fonctionnement des CPP. Une proposition de loi relative à l’évaluation éthique de la recherche impliquant la personne humaine a été déposée le 7 novembre 2019. Ce texte, qui vise à rénover en profondeur le fonctionnement des CPP, propose de désengorger l’ordre du jour des CPP des demandes de recherches non interventionnelles en créant des comités d’éthique des recherches non interventionnelles, de protection des personnes et de leurs données de santé. Ces comités d’éthique des recherches non interventionnelles. Le texte prévoit que « Chaque comité serait rattaché à l’un des centres hospitaliers universitaires ».
Contexte
Cette réforme des CPP par l’introduction d’un comité d’éthique spécifique pour les recherches non interventionnelles intervient à la « veille » de l’entrée en vigueur du Règlement (UE) n° 536/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain et abrogeant la directive 2001/20/CE, prévue pour le 31 janvier 2022. A compter de cette date, tous les projets de recherche, répondant aux définitions de l’essai clinique (article 2 du règlement), seront encadrés par ce règlement et non par la loi Jardé de 2012.

Autres dispositions de l’article 16 ter adopté par l’Assemblée Nationale
Pérennisation de la procédure de fast track :
L’article prévoit également de pérenniser la procédure accélérée dite de fast track, prévue par l’article 17 de l’ordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020 (Ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de covid-19), qui permet au Ministre de la Santé, par dérogation au tirage au sort, de désigner le CPP se prononçant sur une RIPH en lien avec l’épidémie de Covid-19. Cette mesure est limitée pendant la crise sanitaire et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2021.
Réalisation des essais cliniques ambulatoires dans les domiciles des participants
Dans l’objectif de faciliter de déploiement d’essais cliniques en ambulatoire, il est prévu d’autoriser leur réalisation « dans les domiciles des participants [aux] recherches », en modifiant à cet effet l’article L. 1121-13 du code de la santé publique relatif à l’autorisation des lieux de réalisation des recherches. Par coordination, est ouverte, à l’article L. 1121-1 du même code, la possibilité pour le promoteur de désigner des investigateurs chargés de coordonner la recherche « par site ou territoire », plutôt que par lieux, afin, par exemple, de permettre la coordination, au niveau d’un secteur géographique, d’un essai clinique mené en ambulatoire.
A suivre …..