Adoption du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé par le Sénat

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Eléonore Scaramozzino, Avocat

Par 219 voix contre 92, les sénateurs ont adopté le 11 juin en première lecture, le projet de loi de relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, qui traduit en termes législatif le plan « Ma santé 2022 ». Le texte modifié de plus d’une centaine d’amendements doit désormais être examiné le 20 juin en commission mixte paritaire (CMP). Si la Commission mixte paritaire ne parvient pas à trouver un texte de compromis, le texte sera in fine renvoyé devant l’Assemblé Nationale.

Le Titre III, « Développer l’ambition numérique en santé » (articles 11 à 14), a été enrichi par le Sénat notamment par l’addition d’articles à tous les chapitres.

Chapitre I : « Innover en valorisant les données cliniques »

L’article 11 précise l’architecture globale des données de santé sous leur forme agglomérée, réaffirme le rôle de la puissance publique dans leur gestion (en maintenant notamment le statut de la PDS comme groupement d’intérêt public) et régit les modalités d’accès en cas de demandes émises par des responsables de traitement.  Le Sénat a adopté un nouvel article (art 11 bis AA) visant à instaurer des zones d’expérimentation, pour une durée de trois ans, à l’échelle d’un établissement de santé public participant au service public hospitalier ou d’un réseau de santé, afin de développer le recours à l’intelligence artificielle en matière de santé. Ces zones seront accessibles à tous les acteurs innovants, notamment en intelligence artificielle. Un cadre administratif standardisé sera défini par décret. Une telle recommandation vise à créer les conditions permettant de tester des innovations en intelligence artificielle, avec des délais de mise en œuvre le plus réduits possible. La liste des lieux d’expérimentation serait à la disposition de tous les acteurs souhaitant innover.

La Ministre est défavorable à ce dispositif, qui n’explicite aucune dérogation aux règles en vigueur et n’apporte donc pas de simplification au dispositif actuel d’autorisation de traitement des données de santé. Par ailleurs, il est susceptible de créer une confusion avec les dispositifs déjà existants, notamment la création d’entrepôts de données hospitaliers, conformément à la stratégie du Health Data Hub.

Chapitre II intitulé « doter chaque usager d’un espace numérique de santé »

L’article 12 pose le cadre juridique d’un espace numérique de santé personnel, dont le gestionnaire n’est plus la puissance publique garante de la confidentialité desdites données, mais la personne titulaire de l’espace. Contrairement au PDS, l’ENS contient par nature des données personnelles ou fortement identifiantes, dont l’accès est exclusivement régi par la personne. Le PDS est composé de données agrégées, pseudonomysées et protégées par la puissance publique, et l’ENS comprend des données personnelles dont l’accès est entièrement géré par l’individu.

Afin que l’ENS s’impose comme un levier puissant dans la coordination des parcours de soins, les données qu’il centralise doivent pouvoir être réexploitées et actualisées par n’importe quel professionnel, en ville comme à l’hôpital, quel que soit le logiciel ou système d’information utilisé, le Sénat a renforcé les obligations d’interopérabilité applicables aux éditeurs de logiciels et systèmes d’information en santé, en instituant un mécanisme de certification et des outils incitatifs à la mise en conformité des logiciels de santé aux référentiels d’interopérabilité. L’interaction entre ENS et PDS se fera principalement par le biais d’applications numériques développées par des responsables de traitement qui, pour leur conception, auront eu recours aux données globalisées du SNDS. Ces applications génériques pourront ensuite enrichir l’ENS de chaque patient, à la condition d’avoir été préalablement certifiées sur le plan éthique. L’article 12 A impose que les systèmes d’information ou services ou outils numériques destinés à être utilisés notamment par les professionnels, établissements, services de santé, des secteurs médico-social et social, d’une part, et, les systèmes d’information ou services ou outils numériques mis en œuvre par les organismes d’assurance maladie, ayant pour finalité principale de contribuer directement à la prévention ou au suivi du parcours de soins des patients, d’autre part, sont conformes à des référentiels d’interopérabilité et de sécurité élaboré par le GIP plateforme de données de santé (Health data hub) pour le traitement de ces données, leur conservation sur support informatique et leur transmission par voie électronique. Ces référentiels d’interopérabilité s’appuient sur des standards ouverts en vue de faciliter l’extraction, le partage et le traitement des données de santé dans le cadre de la coordination des parcours de soins, de l’amélioration de la qualité des soins et de l’efficience du système de santé ou à des fins de recherche clinique, chaque fois que le recours à ces standards est jugé pertinent et possible par le GIP. La conformité d’un système d’information ou service ou outil numérique en santé aux référentiels d’interopérabilité est attestée dans le cadre d’une procédure d’évaluation et de certification définie par décret en Conseil d’État. Comme l’a indiqué, la Ministre des solidarités et de la santé, « l’interopérabilité des systèmes d’information est primordiale ; elle est d’ailleurs indispensable à l’utilisation fluide des logiciels par les professionnels et à leur coordination autour d’un patient donné ». L’attribution de fonds publics sera conditionnée à des engagements de mise en conformité des référentiels d’interopérabilité.

extrait : Rapport sur le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, par Alain Milon, Sénateur, p 32

L’article 12 sexies a trait aux conditions d’accès au DMP lorsque des soins sont délivrés dans un autre État membre. La collecte, l’échange ou le partage des données de santé à caractère personnel nécessaires à la prise en charge du patient à l’occasion de soins délivrés lors de sa présence sur le territoire d’un autre État membre de l’UE, dans des conditions définies par décret. « Ce décret détermine également les modalités d’échange de données de santé à caractère personnel nécessaires à la prise en charge transfrontalière et les exigences d’identification et d’authentification des professionnels habilités et de consentement du patient. Un arrêté du ministre chargé de la santé établit la liste des États remplissant les conditions prévues par ce décret. »

Chapitre III : « Déployer pleinement la télémédecine et les télésoins ».

Le télésoin met en rapport un patient avec un auxiliaire de santé ou un pharmacien et intervient en complément de la télémédecine, qui, elle, est réservée aux professions médicales. Le télésoin est appelé à monter en puissance pour moderniser l’offre de soins. Le Sénat a ajouté un article 13 bis A visant à définir la notion de médiation numérique dans le code de la santé publique comme  « la mise en capacité de comprendre et de maîtriser les technologies numériques, leurs enjeux et leurs usages ». Elle procède par un accompagnement qualifié et de proximité des individus et des groupes dans des situations de formation tout au long de la vie facilitant à la fois l’appropriation des techniques d’usage des outils numériques et la dissémination des connaissances acquises.

Le développement de l’intelligence artificielle et de la médecine prédictive offre de nouvelles possibilités aux professionnels de santé, en matière de prévention et de prise en charge des patients, au travers de nouveaux moyens technologiques, notamment numériques et robotiques. Le Sénat a adopté un article 14 bis, visant à garantir la sécurité et la pertinence des pratiques médicales associées à l’utilisation des technologies recourant à l’intelligence artificielle. Cet article prévoit que la Haute Autorité de santé, la HAS, précise les règles de bonne pratique relatives à l’utilisation des technologies d’assistance à la prévention ou d’assistance diagnostique ou thérapeutique et des technologies prédictives dans le domaine médical afin de garantir la conformité de ces technologies à des exigences minimales en termes de sécurité, de pertinence et d’efficience des pratiques médicales associées.

Cet article vise en outre à permettre la certification, sur une base volontaire, de la conformité d’une technologie d’assistance à la prévention ou d’assistance diagnostique ou thérapeutique ou d’une technologie prédictive dans le domaine médical, autre qu’un logiciel d’aide à la prescription médicale ou à la dispensation, aux règles de bonne pratique définies par la HAS.

Prochaine étape : CMP du 20 juin

voir également sur le sujet : Projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé : Position de la Commission des Affaires Sociales du Sénat sur l’ENS

https://escaramozzino.legal/2019/05/23/projet-de-loi-relatif-a-lorganisation-et-a-la-transformation-du-systeme-de-sante-position-de-la-commission-des-affaires-sociales-du-senat-sur-lens/

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