CJUE : Arrêt du 8 juillet 2021, Pharma Expressz, aff. C-178/20
Précision sur l’interdiction de commercialiser des médicaments non autorisés dans un Etat membre
Eléonore Scaramozzino, Avocate
Directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, telle que modifiée par la directive 2012/26/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012.
Dans le cadre d’une question préjudicielle sur l’interprétation de l’article 5.1 de la directive 2001/83 modifiée, la Cour de Justice de l’Union Européenne devait apprécier si une réglementation nationale, qui impose une déclaration à l’autorité de santé nationale (en l’espèce la Hongrie) et une prescription médicale pour la commercialisation des médicaments ne bénéficiant pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) en Hongrie (Etat importateur), mais uniquement dans l’Etat membre exportateur, pouvait être considérée comme constitutive d’une restriction quantitative à l’importation contraire à ‘article 34 TFUE ?
Les faits : Une pharmacie établie en Hongrie avait importé un médicament autorisé dans un État membre de l’EEE comme médicament pouvant être délivré sans prescription médicale, mais ne bénéficiant pas d’AMM dans l’Etat importateur. L’importation était réalisée à des fins commerciales, pour des grandes quantités.

L’article 6.1 de la directive 2001/83 CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, telle que modifiée par la directive 2011/62/UE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2011 interdit la commercialisation de médicament ne bénéficiant pas d’AMM dans cet Etat. L’article 6.1 de la directive n’impose pas à un Etat membre de reconnaître automatiquement une AMM dont bénéficie un médicament dans un autre Etat membre ou la classification de celui-ci, mais l’oblige à interdire la commercialisation de ce médicament, si aucune exception ne peut être applicable.
Procédure de reconnaissance mutuelle : procédure réglementée
La reconnaissance mutuelle n’opère pas de manière automatique, une AMM nationale ne produisant pas en soi d’effets transnationaux

Exception à l’interdiction de commercialiser un médicament ne bénéficiant pas d’une AMM
Le droit de l’Union prévoit certaines exceptions à cette interdiction de l’article 6.1. de la directive 2001/83 modifiée
Exception de l’article 5.1 concerne la commande individuelle de médicaments non autorisés dans l’Etat de destination. Cette disposition concerne les médicaments « élaborés conformément aux spécifications d’un professionnel de santé agréé et destinés à ses malades particuliers sous sa responsabilité personnelle directe ». Pour l’avocat général (point 102), l’exception de l’article 5.1 est applicable « aux importations concernant un médicament nécessaire pour sauver la vie ou la santé d’un patient, sur commande (sous forme de prescription, de demande, ou de requête) d’un professionnel de la santé, qui assume la responsabilité de l’administration de ce médicament » (ATU nominative/accès précoce/accès compassionnel).
Exception de l’article 5, paragraphe 2, prévoit que « [l]es États membres peuvent autoriser temporairement la distribution d’un médicament non autorisé en réponse à la propagation suspectée ou confirmée d’agents pathogènes, de toxines, d’agents chimiques ou de radiations nucléaires, qui sont susceptibles de causer des dommages ». Aux termes de l’article 126 bis de la directive, en « l’absence d’AMM ou de demande en instance pour un médicament autorisé dans un autre État membre conformément à la présente directive, un État membre peut, pour des raisons de santé publique justifiées, autoriser la mise sur le marché de ce médicament ».
Le règlement (CE) n° 726/2004 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments
Le règlement CE n°726/2004 contient également une disposition qui permet d’utiliser un médicament même si celui-ci ne fait pas l’objet d’une AMM. Par dérogation à l’article 6 de la directive 2001/83, en vue d’un usage compassionnel, les États membres peuvent rendre disponible un médicament à usage humain qui doit ou peut faire l’objet d’une AMM (art 83.1) . L’usage compassionnel ne peut considérer que des médicaments qui font déjà l’objet d’une demande d’AMM délivrée par l’Union ou bien sont en cours d’essais cliniques.

La CJUE a considéré qu’une réglementation nationale imposant une prescription médicale et une déclaration de l’autorité compétente en matière de santé, pour les médicaments ne bénéficiant pas d’AMM dans l’Etat de commercialisation ne constitue ni une restriction quantitative ni une mesure d’effet équivalent, au sens de l’article 34 TFUE.