Médicament : Responsabilité pour défaut d’information spécifique lors d’une modification de formule

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Préjudice moral pour défaut d’information des modifications d’excipients d’un médicament provoquant des effets secondaires indésirables

Cass. 1re civ., 16 mars 2022, n° 20-19786

Eléonore Scaramozzino, Avocat Partenaire, Constellation Avocats

A la demande de l’Agence nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), le fabricant et l’exploitant du Levothyrox prescrit pour le traitement de l’hypothyroïdie, ont modifié la formule de ce médicament en remplaçant l’un des excipients, le lactose monohydraté, par du mannitol et de l’acide citrique. Le médicament ainsi modifié a été mise sur le marché en substitution de l’ancien. Plusieurs centaines de patients traités par la nouvelle version, ont ressenti des effets secondaires indésirables. Ces patients ont saisi les tribunaux pour voir reconnaître leur préjudice moral pour défaut d’information de ce changement de composition. Dans son arrêt du 25 juin 2020 (Cour d’Appel de Lyon 6ème chambre du 25 juin 2020 (n°19/02416)), la Cour d’Appel de Lyon a condamné le laboratoire pharmaceutique a indemnisé les patients concernés à titre de dommages-intérêts.

L’information sur les médicaments : une information réglementée

L’information des médicaments est régie par le code de la santé publique (CSP)

Défaut d’information engageant la responsabilité délictuelle du laboratoire

La Cour de Cassation a :  

  • Rappelé que la validation par l’autorité de santé de la notice et l’étiquetage du produit n’exonère pas le fabricant et le titulaire de l’AMM s’il est distinct, de la responsabilité de l’un et l’autre dans des conditions de droit commun en raison de la fabrication ou de la mise sur le marché du médicament (art L 521-8 du CSP) ;
  • Rappelé que la Cour d’Appel a énoncé que le laboratoire avait eu connaissance d’un nombre non négligeable de personnes sujettes à un déséquilibre thérapeutique dans le cas d’un changement de formule du Levothyrox et, à la suite de celui déjà intervenu dans d’autres pays, d’un risque important de réactions négatives chez une fraction de patients ;
  •  considéré que l’information sur la nouvelle composition du médicament mentionnant les deux nouveaux excipients (mannitol (remplaçant) et acide citrique (ajouté)) n’avait pas été indiquée sur les boîtes et que, si la notice répondait aux exigences réglementaires, la seule mention, dans un texte dense et imprimé en petits caractères, était insuffisante. Ce changement aurait pu être présenté de manière positive au regard de sa finalité de stabilisation du principe actif et signalé efficacement sur les boîtes et par des mentions apparentes dans la notice ou un document supplémentaire joint à celle-ci. En ne procédant pas à une telle information les sociétés (fabricant et titulaire de l’AMM) ont commis une faute.

Préjudice moral imputable au défaut d’information sur la modification des excipients

La Cour de Cassation a considéré qu’en l’absence d’information sur la modification de sa composition les patients étaient dans l’impossibilité de rattacher les troubles ressentis à la nouvelle composition de ce médicament. La Cour a considéré que ces derniers ont subi un préjudice moral temporaire résultant de l’absence d’information sur la modification d’excipients. La réparation est dès lors à la charge du laboratoire.

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