Metavers : les usages en santé mentale et en chirurgie orthopédique

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Eléonore SCARAMOZZINO, Avocate, Constellation Avocats

Le Metavers connait un regain d’actualité avec notamment les ambitions d’investissement de Meta dans ces environnements numériques immersifs, interconnectés et interactifs. Mais les premiers environnements virtuels collaboratifs (ou CVE pour Collaborative Virtual Environments) datent des années 90. Le terme Metavers, constitué des mots « méta » (aller au-delà) et « univers », apparaît en 1992 dans le roman Snow Crash (Le Samouraï virtuel) de Neal Stephenson. Dans cet ouvrage, l’auteur invente un monde virtuel, immersif, simultanément accessible par des millions d’utilisateurs, dans lequel il est possible de s’immerger à l’aide d’un avatar, une représentation numérique de soi-même.

Le Metavers de Stephenson n’existe pas encore. Il s’agit d’un concept caractérisé par la capacité d’accueillir en même temps des millions de personnes dans des univers virtuels, interconnectés disponibles sans interruption, avec des données de synthèse tridimensionnelle, interopérables et des technologies immersives. Leurs finalités sont variées, telles que la conception, la réalisation de simulations, la collaboration, l’apprentissage, la socialisation, l’exécution de transactions ou le divertissement. Ce Metavers n’est pas encore disponible en raison d’une incapacité technique d’accueillir plusieurs millions de personnes sur une expérience virtuelle de manière synchrone. « Le Metavers est un élément important de la transition vers le web 4.0, web décentralisé fondé sur la technologie blockchain où tout sera interconnecté sans discontinuité »[1].

Ce concept est implémenté par des metavers, qui constituent davantage des EVNII (environnements virtuels numériques immersifs et interactifs), qui sont accessibles simultanément par un nombre limité de personnes, mais qui ne sont pas permanents. Ils deviendront des mondes virtuels persistants et accessibles de manière synchrone de manière massive, lorsque les freins structurels technologiques, comme le temps de latence, la saturation des réseaux, la standardisation et l’interopérabilité, seront levés. La Commission européenne a adressé les défis de ce Metavers, aux univers immersifs, collectifs, interconnectés et persistants dans sa stratégie des mondes virtuels dans le web.4.0»[2]. Cette stratégie contient un ensemble de mesures qui constitueront le socle de la transition à long terme vers le développement des mondes virtuels et un nouveau partenariat européen en vue de financer ces technologies des réalités virtuelles font partie des technologies profondes et numériques potentiellement critiques.

Dans son rapport « Extended reality  (XR): Opportunities, success stories and challenges (health, education)[3], la Commission européenne identifie les nombreuses applications en santé et les perspectives offertes par ces mondes virtuels pour l’enseignement. En France, le Metavers fait l’objet d’une formation spécifique, dispensée par l’Université Paris Cité (Faculté de santé, UFR de médecine), en association avec le Centre de Responsabilité Santé Connectée (Hôpital Bichat, AP-HP). Le premier Diplôme d’Université «  Metavers en santé [4]», a été conçu et est dirigé par les dynamiques professeurs Boris Hansel, endocrinologue-nutritionniste, et Patrick Nataf, chef de service de chirurgie cardiaque et transplantation (Hôpital Bichat-AP-HP). L’objectif pédagogique est de fournir les moyens (connaissances et compétences) pour analyser, créer et accompagner le développement d’un projet de Metavers en santé. L’objectif secondaire est la création d’un réseau interdisciplinaire sur le Metavers, qui permettra d’accélérer les travaux de recherche et développement au sein de l’université[5]. La réalité virtuelle est déjà utilisée pour la simulation des interventions chirurgicales pour faciliter l’apprentissage de certains gestes chirurgicaux[6], mais également pour assister le chirurgien orthopédique dans ses interventions pour tendre vers le geste parfait. Elle est également utilisée pour gérer le stress avant une chirurgie programmée. Un casque de réalité virtuelle diffuse du son et des images pour conduire le patient dans un état à mi-chemin entre la médiation et l’hypnose. En santé mentale, la thérapie par exposition en réalité virtuelle (TERV) permet depuis plusieurs années de traiter les phobies, troubles obsessionnels compulsifs (TOC), trouble anxieux généralisé, stress post-traumatiques mais aussi les addictions (tabac, alcool, cocaïne et jeu pathologique).

D’ores et déjà, la réalité virtuelle dans le domaine de la santé présente des avantages mais est-elle complètement sans danger ?

Dans ces univers immersifs, collectifs, le volume de données collectées, notamment via les casques de réalité virtuelle, change de dimension. Cette situation interroge sur la capacité du cadre réglementaire à garantir la protection des données de santé. Par ailleurs, le traitement de ces signaux émotionnel par des systèmes d’Intelligence Artificielle (IA), qui peut conduire à un système de reconnaissance émotionnel, questionne sur la capacité du cadre réglementaire européen à garantir l’intégrité psychique, le libre arbitre du patient immergé. Ce paquet européen de réglementation prévu pour réguler l’espace numérique, et dont certaines propositions sont en cours de discussion devant le Parlement européen et le Conseil, se trouve challengé par ces EVNII, porteurs de changements structurels pour la santé.

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