Eléonore Scaramozzino – Avocat
Deadline 26 mai 2020
La DGS travaille actuellement à l’adaptation du droit national rendue nécessaire par l’entrée en application du Règlement 2017/745 concernant les DM et le règlement UE n°2017/746 sur les DM in vitro. Cette priorité d’adapté la législation nationale avant le 26 mai 2020, date d’application du règlement UE n°2017/745 s’inscrit dans le plan d’action pour les dispositifs médicaux mis en place par la Ministre des Solidarités et de la Santé.
En France, la loi du 5 mars 2012, entrée en application en novembre 2016 (loi n°2012-300 du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine), s’applique à toutes les recherches impliquant la personne humaine, c’est-à-dire « organisées et pratiquées sur des personnes volontaires saines ou malades » qui « visent à évaluer les mécanismes de fonctionnement de l’organisme humain normal ou pathologique, l’efficacité et la sécurité de réalisation d’actes ou de l’utilisation ou de l’administration de produits dans un but de diagnostic, de traitement ou de prévention d’états pathologiques ». (art R 1121-1 du CSP issu du décret 2017-884, JO du 10 mai 2017).
La loi Jardé classe les recherches cliniques en trois catégories : Les recherches interventionnelles, comportent une intervention sur la personne non justifiée par la prise en charge habituelle de cette dernière. « Cette catégorie inclut notamment les recherches relatives aux dispositifs médicaux avant marquage CE médical ou après marquage CE médical, mais dont les fabricants souhaitent étendre les indications ». Les recherches interventionnelles à risque et contraintes minimes et les recherches non interventionnelles, études reposant sur des entretiens ou des questionnaires sur les habitudes ou l’état de santé de la personne…
Deux arrêts, publiés le 17 avril 2018, définissent les conditions permettant de classer une recherche dans la catégorie 2 ou 3. Des formalités variables en fonction des recherches : le promoteur (industriel ou académique) varient. Les recherches interventionnelles requièrent pour leur mise en œuvre sur le territoire français, l’avis d’un Comité de protection des personnes CPP ainsi que l’autorisation de l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Les recherches interventionnelles à risques et contraintes minimes et les recherches non interventionnelles requièrent uniquement l’avis favorable du CPP et doivent être adressée à l’ANSM pour enregistrement.
Concernant le recueil du consentement des participants, la loi Jardé impose : un consentement libre, éclairé et écrit pour les recherches de catégorie 1 ou exprès pour celles de catégorie 2. Une information et une absence d’opposition des personnes suffisent pour les recherches non interventionnelles. Par ailleurs, une fois les recherches lancées, les règles continuent de diverger. Parmi elles, « la vigilance vis-à-vis des événements indésirables est renforcée pour les recherches de catégorie 1, dans la mesure où elles portent sur des produits sans marquage CE médical ou utilisés en dehors de leur marquage CE médical donc plus à risque ». De fait, les événements indésirables graves doivent être remontés sans délai par les investigateurs auprès du promoteur et de l’ANSM.
Le règlement 2017/745 harmonise l’ensemble des règles en matière de réglementation de la recherche. En parallèle, le règlement européen relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain (Règlement UE n°536/2014) harmonise les règles applicables dans le secteur pharmaceutique.

Lancement d’une phase pilote concernant les DM
Les objectifs de la phase pilote 1/ être prêt pour la mise en application des règlements UE n°2017/745 sur les DM et n°2017/746 sur les DM in vitro qui interviendront respectivement le 26 mai 2020 et le 26 mai 2022 ; 2/ stimuler la future organisation imposée par les règlements tout en respectant la réglementation actuelle ; 3/ définir pour chaque étape l’autorité compétente ANSM et CPP ainsi que les délais, tout en tenant compte de la réglementation actuellement en vigueur
Les modalités de cette phase pilote sont en cours de discussion au sein d’un comité de pilotage réunissant des représentants de l’ensemble des parties prenantes des essais cliniques en France (promoteurs institutionnels, promoteurs industriels, comités de protection des personnes (CPP), la Commission nationale de la recherche impliquant la personne humaine (CNRIPH), la Direction générale de la santé (DGS), et Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
Evaluation clinique
Le Règlement renforce les exigences en matière d’évaluation clinique. Il rend obligatoire un suivi clinique après commercialisation pour tous les DM, quelle que soit leur classe. Le règlement européen impose de disposer de données d’utilisation en vie réelle à court, moyen et long terme, dans le cadre des obligations de suivi clinique après commercialisation.
La notion d’équivalence d’un DM à évaluer avec d’autres DM marqués CE médical, permettant de baser l’évaluation clinique sur les données des DM équivalents, ne pourra plus être utilisée que très occasionnellement compte tenu des nouvelles exigences du règlement, en particulier pour les DM les plus à risque. Le nombre d’investigations cliniques à mener va donc augmenter substantiellement.
Les changements applicables le 26 mai 2020
Les articles 70 et suivants du règlement UE n°217/745 modifient le cadre français de la recherche impliquant la personne humaine.
Pour les produits non marqués CE médical : Les produits à risque nécessiteront l’avis d’un CPP ainsi que l’autorisation de l’ANSM. En revanche, les produits de moindre risque, c’est-à-dire de classes I, Iia et IIb non invasifs, ne requerront que l’avis d’un CPP.
Pour les produits déjà marqués CE médical : Si l’étude clinique vise à approfondir l’évaluation d’un produit « dans les limites de sa destination prévue », l’autorisation de l’ANSM n’est pas requise. Elle doit être simplement informée. L’avis du CPP reste indispensable. « Lorsqu’une investigation clinique doit être conduite afin d’évaluer, en dehors des limites de sa destination prévue, un dispositif déjà muni du marquage CE médical », les mêmes règles que celles applicables aux produits non marqués CE médical s’appliquent. :
Le règlement réduit les délais : « Pour les DM de hautes classes de risques en pré-marquage CE médical, les délais de réponse des autorités compétentes et des CPP prévus par le règlement européen sont du même ordre que ceux prévus par la loi jardé pour les recherches de catégorie 1. Pour les autres DM, les délais comportent plus de changements, qui nécessiteront une révision des dispositions françaises.
EUDAMED : 25 mars 2020
Base de données européennes sur les dispositifs médicaux (art 33 du Règlement UE n°2017/745)
Évaluation coordonnée
Pour qu’une investigation clinique soit conduite dans plusieurs États de l’UE, le promoteur pourra introduire une demande unique via la base EUDAMED. Celle-ci sera transmise par voie électronique aux autorités des pays européens dans lesquels l’investigation doit être conduite, puis évaluée de manière coordonnée. Les États concernés auront 6 jours pour s’entendre sur celui d’entre eux qui fera fonction d’«État membre coordinateur ». A défaut, l’État désigné par le promoteur sera coordinateur. Chaque membre conserve le droit de se prononcer et de participer ou non à l’évaluation coordonnée. L’avis des comités d’éthique (CPP en France) restera requis, selon les procédures propres à chaque État. Leur fonctionnement et leurs compétences continueront de relever des lois nationales.
Investigations cliniques
L’un des modules de la future base Eudamed sera consacré aux investigations cliniques : Pour créer un numéro d’identification unique pour chaque investigation clinique (UDI) ; Pour introduire une demande d’investigation clinique et pour tout autre communication et échange d’informations ayant trait à cette investigation entre les promoteurs, les autorités nationales et les autorités européennes, Pour la notification d’évènements indésirables graves et de défectuosité de dispositif. Ce module sera interopérable avec la base de données de l’UE sur les essais cliniques de médicaments à usage humain notamment pour le suivi des investigations cliniques combinant un DM et un médicament.
L’attractivité de la recherche française : le projet du Health Data Hub
Certaines mesures, notamment prises dans le cadre du Conseil stratégique des industriels de santé (CSIS), visent à renforcer l’attractivité de la France sur le volet des essais cliniques. La mise en place de la convention unique pour faciliter la contractualisation entre les promoteurs industriels et les centres investigateurs fixe à 45 jours pour négocier cette convention avec le centre coordonnateur, et à 15 jours avec les centres associés. Cette convention unique, qui réduit les délais, est obligatoire pour les recherches interventionnelles de catégories 1 et 2 menées en établissements, centres et maisons de santé, et à finalité commerciale. Le règlement UE n°2017/745 supprime les catégories de recherches de types 1,2 et 3. Des adaptations réglementaires sont nécessaires.
La loi n°2018-892 du 17 octobre 2018 relative à la désignation aléatoire des comités de protection des personnes, maintient le principe du tirage au sort des CPP, mais il sera tenu compte de leur disponibilité et de leurs compétences. Les moyens des 39 CPP seront renforcés. Le Système d’information des Recherches impliquant la personne humaine (SI RIPH), destiné au dépôt et à l’instruction des dossiers de recherche, a ouvert officiellement le 2 juillet 2018 https://cnriph.sante.gouv.fr. Ces deux mesures, selon la DGS, vont accélérer les délais de traitement. La nouvelle version du site http://www.notre-recherche-clinique.fr a été officialisée le 28 mai 2018, son objectif est de proposer une information claire et transparente sur les études cliniques telles qu’elles sont menées dans l’Hexagone.
Le Conseil national pour la performance des essais cliniques (CNaPEC), mis en place fin 2016, est une instance de discussion et d’expertise résultant du 7e CSIS. Elle associe des représentants des acteurs et opérateurs publics comme privés en recherche clinique. L’une des ses premières actions vise à promouvoir la réalisation d’investigations cliniques en France, via une campagne promotionnelle, à l’international menée en partenariat avec Business France. Le CNaPEC a mené une étude comparative de l’investigation dans le diabète de type 2 entre l’Allemagne, la Belgique, le Royaume-Uni et l’Espagne. Le troisième chantier du CNaPEC est de créer une sorte de référentiel méthodologique dit « d’excellence » destiné aux centres investigateurs, afin que ces derniers puissent s’organiser au mieux pour mener des essais de qualité. …
Le « Health Data Hub », le GIE « Plateforme des données de santé », porté par le projet de loi n°404 (2018-2019) relatif à l’organisation et transformation du système de santé en cours de discussion actuellement en première lecture au Sénat, est une opportunité historique ! Ce portail d’utilisation des données de santé, notamment de l’assurance maladie, permettra de collecter massivement des données (hopital -ville), de les exploiter et de suivre quasiment en temps réel l’utilisation d’un produit. Le « Health Data Hub », sera une structure issue de la transformation de l’actuel « institut national des données de santé » (INDS), dont les missions seront renforcées. Le pilotage de la mise en œuvre du Health Data Hub est confié au directeur de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère des solidarités et de la santé (DREES).
La première mission du Health Data Hub sera d’être un « point d’entrée clairement identifié » pour mieux comprendre la nature et les conditions d’accès aux bases de données de santé actuellement disponibles pour la recherche. La plateforme devra ainsi permettre de rassembler des « sources de données nécessaires aux travaux visant à améliorer la qualité des soins », données qui seront « non directement identifiantes » et feront l’objet d’un accès règlementé. Elle s’attachera en outre à garantir la qualité de ces informations, elle-même directement corrélée à la « pertinence des interprétations » auxquelles elles donneront lieu.