Eléonore Scaramozzino, Avocat
Le règlement 2017/745 relatif aux dispositifs médicaux impose une obligation financière aux fabricants de dispositifs médicaux, mais pas d’obligation d’assurance responsabilité civile pour l’utilisation de DM. Cette dernière est imposée par le législateur français (art L 1142-2 CSP). Son champ d’application territorial est limité à la France. Dès lors, l’assureur du fabricant français d’implants mammaires ne peut être condamné à verser des dommages et intérêts à une patiente allemande à qui on a implanté des DM du fabricant français, en Allemagne.
Conclusions de l’avocat Général M Michal Bobek présentées le 6 février 2020 Affaire C-581/18 RB contre TÜV Rheinland LGA Products GmbH, Allianz IARD SA
Une patiente allemande s’est fait poser, en Allemagne, des implants mammaires défectueux fabriqués par Poly Implant Prothèse S.A. (ci‑après « PIP »), une société française devenue insolvable. La patiente demande des dommages et intérêts devant les juridictions allemandes contre Allianz IARD S.A., l’assureur français de PIP. L’Avocat général Bobek devait examiner les limites du champ d’application de l’assurance responsabilité civile des fabricants français de Dispositifs Médicaux (DM), pour les dommages subis par les tiers survenant dans le cadre de leur activité. Cette assurance responsabilité civile est imposée par le code de la santé publique (art L 1142-2 CSP)[1]. L’Avocat général devait analyser si cette obligation relève du droit européen ou s’il s’agit d’un choix du législateur français.
Directive sur la responsabilité du fait des produits défectueux : pas d’assurance obligatoire des fabricants de DM
La directive 85/374[2] sur la responsabilité du fait des produits défectueux retient la responsabilité du producteur pour le dommage causé par un défaut de son produit, mais ne prévoit aucune disposition d’harmonisation en matière d’assurance obligatoire. Dans son arrêt du 20 novembre 2014, Novo Nordisk Pharma[3], la Cour précise que : « 24 En revanche, ainsi qu’il ressort de son dix-huitième considérant, ladite directive n’a pas vocation à harmoniser de manière exhaustive le domaine de la responsabilité du fait des produits défectueux au-delà des points qu’elle réglemente (arrêt Dutrueux et caisse primaire d’assurance maladie du Jura, EU:C:2011:869, point 21 et jurisprudence citée) » réaffirmé dans son arrêt du 21 juin 2017, W e.a. contre Sanofi Pasteur MSD SNC e.a,[4].
Règlement sur les dispositifs médicaux : pas d’harmonisation de l’assurance de la responsabilité civile des fabricants de DM
La directive du Conseil 93/42[5] du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux (JO 1993, L 169, p. 1), le point 6 de l’annexe XI de la directive exige uniquement que les organismes notifiés doivent « souscrire une assurance de responsabilité civile à moins que cette responsabilité ne soit couverte par l’État sur la base du droit interne ou que les contrôles ne soient effectués directement par l’État membre ». La Cour a interprété cette disposition dans l’arrêt Schmitt du 16 février 2017[6], où elle a jugé que « 56. en l’absence de toute mention dans la directive 93/42 relative aux modalités de l’engagement de la responsabilité civile des organismes notifiés, il ne saurait être considéré que cette directive a pour objet de régir les conditions dans lesquelles les destinataires finaux des dispositifs médicaux peuvent éventuellement obtenir réparation du fait du manquement fautif de ces organismes à leurs obligations. » La responsabilité des organismes notifiés envers les destinataires finaux des dispositifs médicaux pour manquement à leurs obligations relative à la déclaration CE de conformité prévue par la directive 93/42 relève du droit national (point 59).
Le règlement (UE) 2017/745 [7], adopté à la suite du scandale PIP [8], a introduit des obligations supplémentaires relative uniquement à la responsabilité de l’organisme notifié. L’annexe VII, point 1.4.2 du règlement dispose : « La couverture et la valeur financière globale de l’assurance de responsabilité civile correspondent à l’ampleur et au champ géographique des activités de l’organisme notifié et sont proportionnées au profil de risque des dispositifs certifiés par l’organisme notifié ». Il n’impose rien sur les obligations d’assurance de la responsabilité civile des fabricants pour l’utilisation des dispositifs médicaux. Au titre de l’article 10, paragraphe 16, du règlement 2017/745, les fabricants sont uniquement tenus d’avoir « pris des mesures pour disposer d’une couverture financière suffisante au regard de leur éventuelle responsabilité en application de la directive 85/374/CEE, sans préjudice de l’adoption de mesures plus protectrices en vertu du droit national ». Cette disposition prévoit également que « [l]es personnes physiques ou morales peuvent demander réparation pour des dommages causés par un dispositif défectueux conformément à la législation de l’Union et à la législation nationale applicables ».
Pour l’avocat général Bobek, Il appartient aux États membres, en l’état actuel du droit de l’Union, de réglementer les polices d’assurance applicables aux dispositifs médicaux utilisés sur leur territoire, même lorsque ces dispositifs ont été importés d’un autre État membre.
[1] Article L. 1142‑2 du code de la santé publique dispose (2) : Les professionnels de santé exerçant à titre libéral, les établissements de santé, services de santé et organismes mentionnés à l’article L.1142‑1, et toute autre personne morale, autre que l’État, exerçant des activités de prévention, de diagnostic ou de soins ainsi que les producteurs, exploitants et fournisseurs de produits de santé, à l’état de produits finis, mentionnés à l’article L.5311‑1 à l’exclusion du 5°, sous réserve des dispositions de l’article L.1222‑9, et des 11°, 14° et 15°, utilisés à l’occasion de ces activités, sont tenus de souscrire une assurance destinée à les garantir pour leur responsabilité civile ou administrative susceptible d’être engagée en raison de dommages subis par des tiers et résultant d’atteintes à la personne, survenant dans le cadre de l’ensemble de cette activité. Une dérogation à l’obligation d’assurance prévue au premier alinéa peut être accordée par arrêté du ministre chargé de la santé aux établissements publics de santé disposant des ressources financières leur permettant d’indemniser les dommages dans des conditions équivalentes à celles qui résulteraient d’un contrat d’assurance….
[2] Directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (JO 1985, L 210, p. 29).
[3] CJUE : arrêt du 20 novembre 2014, Novo Nordisk Pharma, C‑310/13, EU:C:2014:2385,
[4] CJUE : arrêt du 21 juin 2017, W e.a. contre Sanofi Pasteur MSD SNC e.a, C‑621/15, EU:C:2017:484, point 21
[5] Directive 93/42/CEE du Conseil, du 14 juin 1993, relative aux dispositifs médicaux (JO 1993, L 169, p. 1).
[6] Arrêt Schmitt du 16 février 2017, C‑219/15, EU:C:2017:128, points 56 et 59
[7] Règlement du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2017, modifiant la directive 2001/83/CE, le règlement (CE) no 178/2002 et le règlement (CE) no 1223/2009 et abrogeant les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42 (JO 2017, L 117, p. 1)
[8] Proposition de la Commission de règlement relatif aux dispositifs médicaux (COM/2012/0542 final) et également la résolution du Parlement européen du 14 juin 2012 sur les implants mammaires en gel de silicone défectueux produits par la société française PIP [2012/2621(RSP)].