Accès précoce aux médicaments innovants : DSVR dans les ATU et post ATU

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L’enjeu des DSVR dans la régulation du prix des médicaments innovants

Eléonore Scaramozzino, Avocat

L’Autorisation temporaire d’utilisation du médicament (ATU) est née à une époque où la thérapie génique ou l’immunothérapie n’existait pas. Les critères de la Commission de transparence (CT) de la HAS sont-ils encore pertinents pour faciliter l’accès à l’innovation ? L’intégration des données de santé en vie réelle (DSVR) dans la phase post ATU apparaît comme une option à exploiter pour fixer le prix du médicament par une évaluation plus fine du SMR/ASMR.

Les ATU : une innovation française

L’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) est un mécanisme d’accès temporaire et dérogatoire à l’innovation médicamenteuse fondé sur un socle de principes toujours d’actualité. Mis en place en 1994 dans l’objectif d’assurer un accès précoce à ce qui constituait alors les nouveaux médicaments anti -VIH, le dispositif des ATU a été conçu comme visant à répondre aux situations d’impasse thérapeutique pour les patients atteints de pathologies graves ou rares et dont l’état de santé ne permet pas d’attendre la commercialisation du médicament.

Une fois l’ATU autorisée par l’ANSM, tout médicament faisant l’objet d’une ATU est pris en charge par l’assurance maladie, sur la base d’un prix fixé librement par les laboratoires (article 162-16-5-1 du code de la sécurité sociale), à titre d’indemnité.

2011 : régime post-ATU

Entre l’obtention de l’AMM et la fixation du prix d’un médicament précédemment sous ATU, le médicament peut continuer à être délivré aux patients et pris en charge par l’assurance maladie grâce à un régime transitoire de « post-ATU » mis en place en 2011.

Source : Médicaments innovants : consolider le modèle français d’accès précoce, Rapport d’information n° 569 (2017-2018) de M. Yves Daudigny, Mmes Catherine Deroche et Véronique Guillotin, fait au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des affaires sociales du Sénat, 13 juin 2018

L’évaluation du service médical rendu (SMR) ou de l’augmentation du service médical rendu (ASMR) en question

Le SMR ou l’ASMR est un critère médical évalué par la Commission de transparence de la HAS (CT). Le cadre réglementaire de l’évaluation du médicament est fixé aux articles R. 163-1 et suivants du Code de la sécurité sociale ainsi que dans le règlement intérieur de la CT.

La doctrine de la CT de la HAS sur l’évaluation du SMR /ASMR

La Haute Autorité de Santé a été créée par loi du 13 août 2004 sur l’ass13urance maladie, il s’agit d’une autorité publique indépendante scientifique. Elle contribue à l’amélioration de la qualité en santé en France à travers l’évaluation des produits, des actes et des prescriptions. Elle met en place des outils de prise en charge, des recommandations en matière de santé publique et des évaluations à destination des différents acteurs de santé. La HAS a également une mission de certification auprès des établissements de santé et concernant les logiciels d’aide à la prescription[1].

Les critères qui servent à apprécier le SMR et l’ASMR des médicaments ainsi que les principaux fondements du raisonnement scientifique et méthodologique de la commission sont décrits dans sa doctrine. La doctrine est un outil de travail visant à donner des repères et de la visibilité sur les principaux critères d’évaluation des médicaments en vue d’une recommandation sur leur prise en charge et, par voie de conséquence, sur les attentes concernant les dossiers soumis par les industriels. La doctrine explicite les principaux fondements du raisonnement scientifique et méthodologique suivi par la CT lors de l’analyse des données et de leur prise en compte dans ses évaluations, au regard du contexte médical. Cette doctrine pose un cadre général destiné à s’appliquer aux évaluations. Elle a vocation à être actualisée, si la CT le juge nécessaire, notamment pour prendre en compte les évolutions méthodologiques ou réglementaires[2]

Les critères déterminant le SMR

Selon l’article R. 163-3 du Code de la sécurité sociale, le service médical rendu par un médicament dans une indication donnée s’apprécie au regard de cinq déterminants : 1)l’efficacité et les effets indésirables du médicament ; 2) sa place dans la stratégie thérapeutique, notamment au regard des autres thérapies disponibles, 3) la gravité de l’affection à laquelle le médicament est destiné ; 4) le caractère préventif, curatif ou symptomatique du médicament ; et 5) l’intérêt de santé publique du médicament.

La place dans la stratégie thérapeutique

Lors de l’évaluation d’un médicament, la CT s’attache à décrire la stratégie thérapeutique pour la maladie concernée et précise la place du médicament dans cette stratégie. Par exemple, et selon les données cliniques disponibles, une hiérarchisation ou une mise en perspective de la place du médicament évalué par rapport aux autres thérapeutiques disponibles peut être réalisée.

Cette appréciation est dépendante du contexte de l’évaluation et donc évolutive. Elle est ainsi reconsidérée à chaque nouvelle évaluation et notamment lors des réévaluations de classes thérapeutiques. La place dans la stratégie thérapeutique représente également un vecteur de valorisation d’un médicament, notamment dans les situations où la qualité de la démonstration et la quantité d’effet ne permettent pas de valoriser l’ASMR

L’intérêt de santé publique

L’ISP a pour objectif d’appréhender le bénéfice apporté par le médicament à la collectivité, en termes de santé publique, eu égard à celui des alternatives. La CT considère qu’un médicament est susceptible d’avoir un ISP lorsqu’il rend un service à la collectivité, soit parce qu’il contribue à améliorer notablement l’état de santé de la (ou d’une) population, soit parce qu’il répond à un besoin de santé publique, soit parce qu’il permet de réduire la consommation de ressources

Si les textes fixent explicitement la liste des critères qui fondent l’appréciation du service médical rendu (SMR), ce n’est pas le cas pour l’ASMR qui relève d’une appréciation globale du progrès apporté par le médicament par rapport aux stratégies existantes[3].

Les niveaux de SMR

Il existe quatre niveaux de SMR qui permettent à l’Union Nationale des Caisses d’Assurance Maladie (UNCAM) et au ministre de la santé de déterminer si un médicament sera remboursé et à quel taux :
 SMR majeur ou important : taux de remboursement de 65% ;
 SMR modéré : taux de remboursement de 30% ;
 SMR faible : taux de remboursement de 15% ;
 SMR insuffisant pour justifier une prise en charge par la collectivité

Détermination de l’ASMR

Selon l’article R. 163-18 du Code de la sécurité sociale, l’avis de la CT comporte une appréciation de l’ASMR.

L’évaluation de l’ASMR est réalisée au regard du besoin médical dans l’indication évaluée. Un besoin non ou mal couvert peut être pris en compte favorablement, sans être le seul argument permettant de conclure à une ASMR supérieure à V.

La réponse à un besoin médical non couvert est un élément pris en compte dans l’évaluation à trois niveaux : 1/ comme un élément d’appréciation du SMR et donc dans l’accès au remboursement (nombre d’alternatives, intérêt de santé publique) ;2/ comme un critère éclairant les données cliniques, au sein de l’ASMR ; 3/ comme un élément en faveur d’une procédure d’instruction anticipée.

Une attention particulière est portée sur les critères suivants :1/ la qualité de la démonstration qui comprend la comparaison et le choix du (ou des) comparateur(s), la qualité méthodologique de l’étude, l’adéquation de la population incluse à celle de l’indication, la pertinence du critère de jugement clinique et sa significativité, etc. ; 2/ la quantité d’effet en termes d’efficacité clinique, qualité de vie et tolérance au regard de la robustesse de la démonstration ; 3/ la pertinence clinique de cet effet par rapport aux comparateurs cliniquement pertinents ; eu égard au besoin médical. Les différents niveaux d’ASMR apportent un éclairage scientifique et clinique au CEPS (Comité Economique des Produits de Santé) chargé de la fixation du prix du médicament et au ministre de la santé chargé de l’inscription du médicament sur les listes:

Evaluation de l’innovation

Absence de définition juridique de l’innovation thérapeutique pour les médicaments

Ni les mécanismes d’ATU pour les médicaments (articles L. 5121-12 du CSP et L. 162-16-5-1-1 du CSS), ni les mécanismes d’accès précoce pour les médicaments et dispositifs médicaux (article L. 162-16-5-2 du CSS) ne donnent une définition d’un produit innovant. Les seuls éléments de définition de l’innovation disponibles dans le droit se trouvent au 11° de l’article L. 161-37 du CSS qui permet à la HAS d’organiser « des consultations précoces avec […] des entreprises développant des spécialités pharmaceutiques, des produits ou prestations innovants du fait de leur nouveau mécanisme d’action et d’un besoin médical insuffisamment couvert, avant la mise en oeuvre des essais cliniques […] ».

Définition du dispositif médical innovant

Il existe une définition du dispositif médical innovant pour le « forfait innovation » .

L’article R. 165-63 du même code précise qu’un DM ou un acte est « considéré comme innovant lorsqu’il répond à l’ensemble des quatre conditions suivantes :

Les éléments caractérisant l’innovation en santé sont notamment : 1/la nouveauté du mécanisme d’action dans l’indication concernée ; 2/ l’existence d’un besoin médical insuffisamment couvert ; 3/ la réponse au besoin médical grâce à une efficacité supplémentaire démontrée et cliniquement pertinente pour les patients[4].

Négociation et fixation du prix devant le CEPS (Comité économique des produits de santé) sur la base de l’évaluation de la CT de la HAS.

Une fois l’ATU autorisée par l’ANSM, tout médicament faisant l’objet d’une ATU est pris en charge par l’assurance maladie, sur la base d’un prix fixé librement par les laboratoires (article 162-16-5-1 du CSS), à titre d’indemnité.

2011 : prise en charge du médicament en régime « post ATU »

Entre l’obtention de l’AMM et la fixation du prix d’un médicament précédemment sous ATU, le médicament peut continuer à être délivré aux patients et pris en charge par l’assurance maladie grâce à un régime transitoire de « post-ATU » mis en place en 2011. En effet, l’allongement des délais entre la délivrance de l’AMM et la fixation du prix du médicament fragilisait la continuité de la prise en charge des patients bénéficiaires de médicaments sous ATU. Le régime « post-ATU » décrit à l’article L. 162-16-5-2 du CSS permet désormais à tout médicament qui, préalablement à l’obtention d’une AMM, était bénéficiaire d’une ATU, d’être pris en charge par l’assurance maladie sur la base de l’indemnité librement fixée par les laboratoires pharmaceutiques. Depuis 2017, le laboratoire peut toutefois être soumis à un remboursement rétroactif à l’assurance maladie : – si le montant moyen pris en charge par patient au titre d’une ATU est supérieur à 10 000 euros, pour tout produit dont le chiffre d’affaires excède 30 millions d’euros par an ; – si le prix ou le tarif de remboursement ultérieurement fixé par le CEPS au titre de l’AMM est inférieur au montant de l’indemnité demandé par l’industriel.

Le prix facial aussi appelé « prix listé » correspond au tarif de remboursement des médicaments. Une négociation entre l’industriel et le CEPS, couverte par le secret des affaires, conduit par ailleurs à déterminer des remises conventionnelles. Ces dernières sont collectées via les URSSAF et abondent le fonds de financement pour l’innovation pharmaceutique.

L’évaluation de la HAS en question face à l’accélération de l’innovation

Si la rigueur scientifique de la procédure d’évaluation par la CT et son caractère stratégique sont indéniables, force est de constater que l’accélération des innovations et les enjeux de leur accès précoce aux médicaments innovants conduisent à interroger les modalités actuelles de cette évaluation. Pour la Haute Autorité de santé (HAS), l’octroi d’AMM plus précoces par l’agence européenne du médicament (AEM), sur la base de données considérées comme immatures, rend sa tâche plus complexe ; pour les laboratoires et notamment les biotechs.

Les ATU intervenant aux étapes précoces du développement d’un médicament innovant, il n’est pas possible de disposer à ce stade de données cliniques exhaustives et fiables. L’innovation n’est pas toujours prouvée par le SMR/ASMR.

Cette situation n’est satisfaisante ni pour les industriels, qui se voient alors contraints de rembourser des montants importants à l’assurance maladie, ni pour les pouvoirs publics, qui versent des indemnités élevées ne correspondant pas toujours au service thérapeutique rendu aux patients.

La réforme de 2019 : axée sur les ATU nominatives

La réforme sur l’encadrement des conditions d’octroi de l’ATU nominative est entrée en vigueur le 1er mars 2020[5],les modifications apportées par l’ordonnance n° 2020-232 du 11 mars 2020 (art. 25) entreront en vigueur le 1er octobre 2020.

Conditions d’octroi des ATU nominatives

Les ATU nominatives ne pourront être demandées que « si le médicament est susceptible d’apporter « un bénéfice » au patient. L’article L 5121-12 du CSP° vise à augmenter le niveau d’exigence relatif à ce bénéfice attendu : le médicament devra désormais apporter une « efficacité cliniquement pertinente » et un « effet important » dans le traitement du patient (I.2)). Le III de cet article encadre plus strictement les conditions dans laquelle ces demandes peuvent être examinées par l’ANSM. Parmi ces conditions alternatives, figure aujourd’hui le fait que ce médicament ait fait l’objet d’une ATU de cohorte bénéficiant déjà d’une ATU de cohorte ou pour lequel une telle demande a été refusée ne pourra donc plus bénéficier d’une ATU nominative. Le 3° durcit la condition relative aux essais cliniques, supprimant la possibilité d’obtenir une ATU nominative si une demande d’essai clinique a seulement été déposée : pour remplir cette condition, des essais cliniques devront impérativement être conduits en France. Une cinquième possibilité permettant à l’ANSM d’autoriser une ATU nominative, si l’état clinique du patient du fait de son urgence vitale nécessite le traitement immédiat par ce médicament. Cette possibilité ne pourra s’appliquer que pour les traitements des maladies aiguës sans alternative thérapeutique pris en charge par l’assurance maladie.

Régulation du coût des ATU nominatives

Tout médicament faisant l’objet d’une ATU est entièrement pris en charge par l’assurance maladie dès l’octroi de l’ATU, sur la base d’un prix libre (« indemnité ») décidé et fixé par les laboratoires. Ce financement est assuré pendant toute la période de post-ATU (entre l’AMM et l’inscription sur la liste). L’industriel doit reverser chaque année, sous forme de remises, la différence entre le chiffre d’affaires facturé par l’entreprise au titre de cette nouvelle indication et le montant correspondant si les médicaments vendus pour cette nouvelle indication avaient été valorisés au prix (compensation) fixé par le ministre. Cette indemnité est prévue au V de l’article L. 162-16-5-1 du Code de la sécurité sociale.

La nécessité de recourir aux DSVR pour déterminer le juste prix de l’innovation

L’efficacité du médicament en vie réelle c’est-à-dire dans la pratique courante, est au centre de nombreuses réflexions depuis plusieurs années.

L’évaluation de la CT est-elle adaptée au contexte de l’innovation et l’enjeu d’accès rapide aux médicaments innovants ?

Exigence du niveau de preuve de la CT

Du point de vue de la HAS, le manque de robustesse des données dont la commission de la transparence dispose pour apprécier l’efficacité et la valeur-ajoutée des médicaments présentés comme innovants rend l’évaluation plus complexe. Cela tient au fait que les AMM sont délivrées de manière de plus en plus précoce par l’EMA, voire à titre conditionnel, sur la base de données jugées immatures (préliminaires, c’est-à-dire en phase 2 des essais cliniques).

Il n’existe pas d’obligation légale de collecter des données de santé en vie réelle après le dépôt du dossier de demande d’AMM. Les seules preuves de l’efficacité du médicament pour déterminer le SMR ou ASMR sont les essais cliniques.

Impossibilité d’évaluer le SMR/ASMR : recours aux EPI (art L 163-18 CSS)

Les DSVR apparaissent dans la procédure actuelle sur demande de la CT en post évaluation du SMR/ASMR dans le cadre des études post-inscription (EPI). En vertu de l’article R. 163-18 du Code de la sécurité sociale, la CT peut alors demander le recueil de données complémentaires, sous la forme d’une étude post-inscription (EPI), dont l’objectif sera de combler les incertitudes ou de répondre à ces questions. La demande de ces données est fortement liée à leur caractère indispensable à une réévaluation à venir et à leur faisabilité.

L’ETI vise à documenter [6]:

L’Enjeu majeur des DSVR

Si les expériences passées – à travers les contrats de performance passés entre le CEPS et des industriels[7] – ne sont guère jugées concluantes, le rapport[8] remis à la ministre en charge de la santé en mai 2017 a souligné « l’enjeu majeur » de ces données en vie réelle « pour la qualité des soins et la régulation du système de santé » et la nécessité de développer les outils pour en faciliter le recueil et l’exploitation.

La réforme de 2019 n’a pas intégré le recours aux DSVR dans le processus d’évaluation. Ce qui permettrait de payer l’innovation au juste prix. L’idée de prix révisés selon l’efficacité des produits en vie réelle a été avancée par le directeur général de la Cnam afin de disposer d’un levier de régulation après l’admission d’un médicament au remboursement.

On entend par données de santé en vie réelle (DSVR) les données issues d’études observationnelles. Ces données peuvent avoir différentes sources (ATU, registres, requêtes de bases de données telles que le Système national des données de santé, études post-inscription…).

Efficacité vérifiée avec les DSVR

Les modes de fixation de prix sont à repenser avec le recours aux données en vie réelle (DSVR) Cela permettrait de sortir d’un système à certains égards trop rigide, alors que l’accélération des innovations exige aujourd’hui davantage de fluidité et de nouvelles réflexions sur le partage des risques avec les industriels.

Le juste prix de l’innovation : DSVR obligatoires en phase post ATU

Le dispositif des ATU plus rapide et plus souple, mais révisable à tout moment sur la base de données d’utilisation obligatoirement produites au cours des phases d’ATU et de post-ATU. Une telle solution permettrait de payer l’innovation au plus juste prix, de bénéficier de données de suivi précieuses, et, pour les laboratoires, d’accéder à une valorisation commerciale plus rapide et plus sécurisée de leurs produits. Le recours aux données de santé en vie réelle n’est pas nouveau. Les DSVR apparaissent sur demande de la CT après l’évaluation SMR/ASMR et dans les contrats de performance.

La version 2 des contrats de performance : proposition de la Cour des Comptes

La possibilité de conclure des contrats de performance est prévue par l’article 12 de l’accord-cadre de 2015 entre le Leem et le CEPS : « Au cas où les modalités de fixation des prix de droit commun ne permettraient pas de trouver un accord, le prix de certains médicaments peut être fixé, à la demande du comité ou de l’entreprise, conditionnellement au résultat de la performance constatée en vie réelle. » L’évaluation de la performance en vie réelle peut aboutir à la réévaluation du prix ou au versement de remises. Entre 2008 et 2015, 13 contrats de performance ont été conclus. La Cour des comptes estime leurs résultats « peu probants », les contrats n’ayant pas été dénoués dans les conditions prévues initialement, notamment lorsqu’une baisse importante des tarifs devait intervenir[9].

Position de la Cour des Comptes

Pour la Cour, le mécanisme de ces contrats « devrait être inversé de façon à conditionner, non les baisses de prix, mais l’obtention d’un prix élevé à la démonstration du succès en vie réelle.». La lettre d’orientation ministérielle d’août 2016 invite à y recourir pour des médicaments répondant à des besoins thérapeutiques non couverts, lorsque les garanties de bonne exécution paraissent réunies et « sans faire porter le risque financier sur l’assurance maladie ». Le principe de prix plus évolutifs, en fonction de l’efficacité du médicament « en vie réelle », c’est-à-dire dans la pratique courante, est depuis quelques années au centre de nombreuses réflexions. Une révision des prix en fonction des données en vie réelle serait pour certains susceptibles de faciliter et d’accélérer les accords de prix et donc la mise à disposition des médicaments innovants aux patients.

Remboursement temporaire lié au recueil de DSVR

Lors de son audition par la mission parlementaire[10], la présidente de la HAS a suggéré de rendre possible, pour des médicaments «prometteurs», la possibilité d’un remboursement temporaire, conditionné à l’apport de data supplémentaires après l’obtention de l’AMM. Ces données permettraient de décider de mesures pérennes de prise en charge.

Suggestion de la Présidente de la HAS

Cette possibilité d’accorder une prise en charge temporaire des médicaments existe en Grande-Bretagne pour des traitements anticancéreux ou en Allemagne : la G-BA (équivalent allemand de la HAS) décide alors de réviser sa décision à l’issue d’une période définie (qui peut aller d’un à cinq ans), sur la base de données supplémentaires (cliniques ou de vie réelle) collectées par l’industriel[11].

Ce dispositif de collecte de données en période post ATU pendant une période temporaire après l’AMM afin de réviser le remboursement en fonction des données recueillies a été repris par la mission parlementaire :« Envisager, pour des médicaments prometteurs insuffisamment développés, la possibilité d’un remboursement temporaire, conditionné à l’apport de données supplémentaires après l’AMM (proposition 9). Expérimenter, sur des périmètres d’abord restreints, de nouveaux modes de fixation des prix plus souples et plus fins (prix différenciés par indication ou selon l’association avec d’autres produits, prix plus évolutifs en fonction de l’efficacité en vie réelle, enveloppe globale et pluriannuelle par pathologie (proposition 10) ».

Le recours obligatoire aux DSVR dans la phase ATU et post ATU afin de déterminer le mécanisme de fixation du prix par rapport à l’évaluation SMR/ASMR apparaît comme une option à implémenter….

A suivre …..


[1] https://www.has-sante.fr/jcms/c_2877573/fr/la-commission-de-la-transparence-precise-et-adapte-ses-principes-d-evaluation-des-medicaments

[2] Doctrine de la Commission de la transparence : P.6

[3] Polton D. Rapport sur la réforme des modalités d’évaluation des médicaments. Novembre 2015. Disponible en ligne sur : http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_polton_-_evaluation_medicaments.pdf

[4] HAS : Evaluation des médicaments / Doctrine de la Commission de la transparence : Principes d’évaluation de la CT relatifs aux médicaments en vue de leur accès au remboursement, Septembre 2018, Rapport : Doctrine de la Commission de la transparence , spéc p.13

[5] Article 44 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019

[6] Doctrine de la commission de la transparence, p. 19

[7] Le principe de contrats de performance est prévu à l’article 12 de l’accord-cadre de 2015 entre le CEPS et le Leem : « Au cas où les modalités de fixation des prix de droit commun ne permettraient pas de trouver un accord, le prix de certains médicaments peut être fixé, à la demande du Comité ou de l’entreprise, conditionnellement au résultat de la performance constatée en vie réelle. »

[8] Les données de vie réelle, un enjeu majeur pour la qualité des soins et la régulation du système de santé – L’exemple du médicament », Pr Bernard Bégaud, Dominique Polton et Franck von Lennep, mai 2017

[9] Etude septembre 2017 sur la fixation du prix du médicament

[10] Source : Médicaments innovants : consolider le modèle français d’accès précoce, Rapport d’information n° 569 (2017-2018) de M. Yves Daudigny, Mmes Catherine Deroche et Véronique Guillotin, fait au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des affaires sociales du Sénat, 13 juin 2018

[11] Idem, spéc. P.11

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