Prise en charge transitoire des DM innovants par l’Assurance maladie
Eléonore Scaramozzino, Avocat

L’article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale de 2020 a redéfini le régime de prise en charge temporaire des dispositifs médicaux qui ne sont pas encore inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR). Il procède à une réécriture intégrale de l’article L 165-1-5 Code de la sécurité sociale (CSS).
Le décret en Conseil d’Etat n°2021-204 du 23 février 2021 a précisé les modalités de mise en œuvre de cette prise en charge temporaire en modifiant les articles R165-89 à R 165-100 du Code de la Sécurité Sociale relatifs à la prise en charge précoce de produits ou prestations, au titre de l’article L 165-1-5 CSS.
Pour bénéficier d’un accès précoce, le dispositif médical doit disposer d’un marquage CE dans l’indication thérapeutique considérée. L’exploitant du DM (fabricant/distributeur en gros) (art L 165-1-1-1 CSS) adresse aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale une demande de prise en charge transitoire, pour une indication au titre de l’article L 165-1-5 CSS.
Le dossier complet doit être envoyé aux ministres et en parallèle à la Commission Nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (Cnedimts) (HAS), qui rendra un avis dans un délai de 45 jours. Si un dossier incomplet n’est pas renseigné dans les 15 jours suivant la demande des ministres, la demande est réputée abandonnée. La distribution des dispositifs médicaux temporairement pris en charge ne pourra alors être assurée que par un nombre limité d’établissements de santé. Elle est financée par une compensation versée à chaque entreprise et fixée par arrêté ministériel (art L 165-1-5 et R 165-89 du CSS)

L’article R 165-90 énonce les conditions cumulatives pour une prise en charge transitoire par l’Assurance maladie au titre de l’article L 165-1-5 CSS

Redéfinition du mécanisme de la compensation

Circuit de régulation financière redéfini
A l’instar des ATU (accès précoce), il est prévu un mécanisme de régulation financière. Une fois le produit ou la prescription inscrit sur la LPPR, il fait l’objet d’un prix ou d’un tarif fixé par convention entre le fabricant et le comité économique des produits de santé (CEPS). La compensation définissant le plafond du chiffre d’affaires facturé à l’établissement de santé, il n’est par conséquent pas envisagé que la négociation conventionnelle avec le CEPS aboutisse à la fixation d’un prix ou d’un tarif de référence qui lui sera inférieur. Dans le cas d’un prix ou un tarif négocié avec le CEPS est inférieur à la compensation, l’exploitant sera redevable à l’égard de l’assurance maladie (organismes de l’art L 213-1 CSS) de la différence entre le chiffre d’affaires facturé aux établissements de santé au titre de la totalité de la période de prise en charge transitoire et celui qui aurait résulté de l’application de ce prix net de référence. Dans ce cas, il sera tenu de reverser, en une seule fois, cette différence sous la forme d’une remise.
La possibilité laissée au CEPS d’une modulation du prix de référence
Le CEPS a la possibilité de faire ultérieurement évoluer le prix ou le tarif de référence d’un produit de santé admis à la distribution précoce dans le cas général où ce dernier aurait fait l’objet d’une inscription sur la LPPR, mais également dans les deux cas particuliers où les ministres compétents lui auraient refusé cette inscription et où aucune demande d’inscription sur la LPPR n’aurait été déposée dans un délai de trente mois.Cette possibilité ouverte au CEPS ne pourra intervenir que dans les cas énumérés aux articles L. 165-2 et L. 165-3 du CSS, qui décrivent pour une large part des situations où la couverture financière des produits de santé par l’assurance maladie serait exposée à des menaces liées à leur coût
Le renouvellement de la demande de prise en charge en cas de suspension
L’exploitant dont le produit de santé a fait l’objet d’une prise en charge transitoire suspendue, peut renouveler sa demande de prise en charge temporaire dans un délai de douze mois après la suspension. Au-delà de cette période, le droit au renouvellement ne s’applique plus.
Une obligation de continuité des traitements à la charge de l’exploitant (art L 165-5-1 CSS)
L’exploitant d’un produit de santé qui fait l’objet d’une distribution précoce s’engage à assurer la continuité des traitements initiés pendant toute la durée de la prise en charge transitoire et jusqu’à un an après cette dernière, mais aussi, le cas échéant, pendant la durée de la suspension de cette prise en charge. Le délai d’un an est raccourci à 45 jours en cas de refus d’inscription sur la LPPR. Tout manquement à cette obligation de continuité des traitements pourra entraîner la prononciation par le CEPS d’une pénalité financière pouvant aller jusqu’à 30 % du chiffre d’affaires hors taxes.
