
Droit commun du remboursement des activités de télésurveillance et prise en charge anticipée pour les DM numérique de télésurveillance innovants
La LFSS 2022 a fixé au 1er juillet 2022, la prise en charge des activités de télésurveillance par l’assurance maladie. L’article 36 fixe les conditions de prise en charge des activités de télésurveillance dans le droit commun et l’article 58 introduit un nouvel article L. 162-1-23 du code de la sécurité sociale (CSS), relatif à une prise en charge anticipée des dispositifs médicaux numériques de télésurveillance médicale et des dispositifs médicaux numériques à visée thérapeutique (thérapies numériques, « digital theapeutics » (DTx)), présentant un caractère innovant.
La télésurveillance est l’une des 5 activités de la télémédecine, introduite en droit français par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (loi dite HPST), dont le régime a été précisé par le Décret n° 2010-1229 du 19 octobre 2010 relatif à la télémédecine. La télésurveillance permet à un professionnel médical d’interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d’un patient et, le cas échéant, de prendre des décisions relatives à la prise en charge de ce patient. L’application e-santé Covidom qui permet à des patients porteurs ou suspectés d’être porteurs du covid-19 sans signe de gravité de bénéficier d’un télésuivi à domicile via des questionnaires médicaux proposés une ou plusieurs fois par jour, en complément de mesures de confinement, a confirmé le bénéfice pour les patients d’une surveillance médical à distance.
Les activités de télésurveillance sont définies comme étant des activités de surveillance médicale associées à l’utilisation d’un dispositif médical numérique.
La télésurveillance est particulièrement adaptée pour le suivi de patients atteints de maladies chroniques, qui présentent un risque de complication ou d’hospitalisation. Par un suivi des données en vie réelle collectées auprès des patients dans leur lieu de vie, par un dispositif médical numérique, l’équipe médicale automatiquement alertée en cas de dépassement de seuils prédéterminés pour le patient concerné, sera en capacité de prévenir des risques de complication ou d’hospitalisation, ou d’intervenir en temps réel pour adapter le traitement à la situation identifiée.
Cette loi de financement de la sécurité sociale 2022 (LFS S 2022) permet de fixer les conditions d’une prise en charge par l’assurance maladie, des activités de télésurveillance, qui jusqu’à présent sont financées en majorité dans le cadre du programme ETAPES (expérimentations de télémédecine pour l’amélioration des parcours en santé), institué par la loi de financement de sécurité sociale de 2014. Des expérimentations d’activités de télésurveillance ont également mises en œuvre dans le cadre de l’article 51 (LFSS 2018). En parallèle au régime de droit commun, la loi a organisé un régime dérogatoire de prise en charge anticipée pour les dispositifs médicaux numériques de télésurveillance innovants.
LFSS 2014 : Activités de télésurveillance implémentées dans le cadre du programme ETAPES
L’article 36 de la LFSS 2014 (Loi n° 2013-1203 de financement de la sécurité sociale pour 2014) a prévu la mise en place du programme ETAPES (expérimentations de télémédecine pour l’amélioration des parcours en santé) pour le financement des projets de télésurveillance. Dans le cadre de ce programme, la prestation de télésurveillance n’est effectuée que sur prescription médicale et comprend obligatoirement la télésurveillance médicale, la fourniture d’une solution technique et la prestation d’accompagnement thérapeutique.

Ce régime de droit commun de prise en charge des activités de télésurveillance sonne la fin de la phase expérimentale. La LFSS 2022 prévoit la sortie du programme ETAPES et les conditions pour pouvoir bénéficier du régime de droit commun.
I- Les conditions de la prise en charge de la TLS dans le droit commun
Pour bénéficier d’une prise en charge par l’assurance maladie, les activités de télésurveillance devront être préalablement évaluées par la CNEDiMTS et être inscrites sur une liste créée spécifiquement à cet effet. La surveillance médicale vise l’analyse des données et les alertes transmises au moyen des dispositifs médicaux numériques.
Conditions de prise en charge : article L 162-48 à 57 du CSP
La prise en charge se fait à deux niveaux : opérateur de télésurveillance (partie médicale) et le DM numérique de télésurveillance (partie numérique).

La CNEDiMTS évalue l’existence « d’une amélioration de la prestation médicale » :
- soit par rapport à une prise en charge sans télésurveillance ;
- soit par rapport aux activités de télésurveillance qui font déjà l’objet d’une prise en charge.
Si l’évaluation par la CNEDiMTS conclut à une amélioration de la prestation médicale des activités de télésurveillance, celles-ci peuvent être admises au remboursement par l’assurance maladie, qui prend la forme d’une inscription sur une liste télésurveillance, distincte de la LPPR prévue à l’article L. 165-1 du CSS (nouvel article L. 162-52 du code de la sécurité sociale). Et vise à prendre en compte les spécificités de la télésurveillance.
L’inscription des activités de télésurveillance sur cette nouvelle liste est effectuée, sous la forme d’un référentiel qui comprend :
- les exigences minimales applicables à l’opérateur de télésurveillance médicale et notamment la qualification des professionnels de santé et les dispositions nécessaires pour assurer la qualité des soins ;
- la description du dispositif médical numérique associé ainsi que, le cas échéant, du dispositif de collecte.

Inscription d’un DM numérique sur les deux listes pour des fonctionnalités à visées thérapeutiques (art L 165-1 CSP) et pour des fonctionnalités d’activités de TLS (art L 162-52 CSS)

L’inscription d’un couple « opérateur de télésurveillance – dispositif médical associé » n’est pas automatique. Elle peut être subordonnée :
- au respect de spécifications techniques, d’indications de télésurveillance et de conditions particulières de prescription, d’utilisation et de distribution ;
- au dépôt, par les exploitants du dispositif médical, d’une déclaration de conformité aux référentiels d’interopérabilité et de sécurité prévus à l’article L. 1470-5 du code de la santé publique.
La déclaration de conformité sera établie par un organisme désigné par décret, a priori par l’Agence du numérique en santé.
L’interopérabilité des DM numériques de télésurveillance : une condition essentielle pour le développement de la télésurveillance
L’interopérabilité est fondamentale pour le partage et la valorisation des données. L’interopérabilité se décompose en une interopérabilité technique et une interopérabilité sémantique. L’interopérabilité est une exigence également imposée par la loi de financement de la sécurité sociale de 2022 (art 58) aux DM numérique faisant l’objet d’une prise en charge anticipée.
Les dispositifs médicaux numériques permettent d’exporter les données traitées dans des formats et dans une nomenclature interopérables, appropriés et garantissant l’accès direct aux données et comportent, le cas échéant, des interfaces permettant l’échange de données avec des dispositifs ou accessoires de collecte des paramètres vitaux du patient.
Les textes réglementaires devront préciser les caractéristiques des référentiels d’interopérabilité en matière de télésurveillance.
Le forfait des activités de télésurveillance
La prise en charge se fera sous forme de forfait. La base forfaitaire rémunérant l’activité de télésurveillance est dissociée en deux forfaits :
- l’un rémunérant le professionnel de santé
- l’autre rémunérant l’exploitant ou le distributeur du dispositif médical numérique.
La loi ne précise pas la base forfaitaire, qui relève du réglementaire.
Ce forfait, fixé par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale, comprend :
- une base forfaitaire, déterminée en fonction des moyens humains nécessaires à la surveillance médicale et des caractéristiques des dispositifs médicaux numériques ;
- une modulation à la hausse ou à la baisse en fonction, notamment, de la fréquence du suivi réalisé par l’opérateur de télésurveillance, de la complexité de la prise en charge, du recours à des accessoires de collecte associés et des conditions prévisibles et réelles de recours.
Cette liste de critères n’est pas limitative. De nombreux éléments devront être précisés par la voie réglementaire. L’objectif est qu’il n’y ait pas de reste à charge pour le patient. Ainsi, le montant du forfait sera pris en charge à 100 % par l’assurance maladie obligatoire et l’assurance maladie complémentaire (dans le cadre des forfaits responsables)
L’encadrement du prix des dispositifs médicaux
Les ministres chargés de l’économie et de la santé peuvent de plafonner les prix des dispositifs médicaux numériques de télésurveillance et des dispositifs de collecte associés (nouvel article L. 162-55 du code de la sécurité sociale).
Cette disposition semble poursuivre un double objectif :
- s’assurer que les fournisseurs ne mettent pas leurs dispositifs médicaux à la disposition d’un opérateur de télésurveillance à un prix trop élevé ;
- éviter les restes à charge trop importants pour les patients
Système de radiation progressive sur la liste des solutions de TLS des référentiels de TLS moins pertinents sur le plan médical
Il est institué un système de radiation progressive des référentiels de télésurveillance moins performants pour le patient (deuxième alinéa du nouvel article L. 162-53CSS). Lorsqu’un nouveau référentiel de télésurveillance, sera considéré comme apportant pour une indication donnée, un progrès plus important qu’un référentiel existant, sa prise en charge sera progressivement diminuée. Il sera radié, au bout d’un certain temps, de la liste des solutions de télésurveillance pouvant être prises en charge par l’assurance maladie.
La dégressivité de la prise en charge devra se faire sur un temps suffisamment long pour permettre la continuité de traitement des patients.
Fin d’ ETAPES : prise en charge transitoire des expérimentations en cours
Le programme ETAPES sera donc prolongé, au maximum, jusqu’au 1er août 2022. Pour bénéficier de la prise en charge transitoire des expérimentations ETAPES, les expérimentateurs déposent auprès des Ministres compétents et de la HAS une demande d’inscription de leurs activités sur la liste « télésurveillance ». Cette prise en charge transitoire prend fin au plus tard le 31 décembre 2022. Les dispositifs médicaux de télésurveillance médicale inscrits sur la LPPR seront radiés de cette liste au plus tard le 1er janvier 2023.
II- La prise en charge anticipée des activités de la télésurveillance
À la suite du 9e conseil stratégique des industries de santé (CSIS), le Gouvernement s’est engagé, dans le cadre du plan « Innovation santé 2030 », à lancer une réflexion sur « la mise en place d’un accès dérogatoire aux dispositifs médicaux numériques, afin de faciliter leur accès au marché. »
Le nouvel article L. 162-1-23 du CSS, introduit un système de prise en charge anticipée des dispositifs médicaux numériques ou d’activités de télésurveillance médicale pour une durée d’un an non renouvelable. Cette procédure est différente du forfait innovation et de la procédure de prise en charge transitoire. La prise en charge anticipée vise les DM numériques de TLS et les DM numériques à visées thérapeutiques.
En ce qui concerne les DM numériques avec activités de TLS associées, la procédure de prise en charge anticipée concerne les DM numériques non encore inscrits sur la liste télésurveillance, présumés innovants en termes de bénéfice clinique ou de progrès dans l’organisation des soins.
La décision de prise en charge anticipée pour une indication considérée est prise après avis de la CNEDiMTS qui se prononce sur le caractère innovant de la solution concernée.

Comme pour la prise en charge en droit commun, la procédure de demande de prise en charge anticipée exige que :
- L’opérateur de TLS procède à une déclaration préalable auprès de l’ARS compétente,
- L’opérateur de TLS recueille le consentement du patient pour transmettre ses données afin de contrôler l’utilisation effective du dispositif. En cas de refus du patient à la transmission par le professionnel de santé des données nécessaires à la mise en œuvre du contrôle de cette utilisation effective, l’activité de télésurveillance ne pourra faire l’objet d’une prise en charge anticipée. Si cette prise en charge dérogatoire a déjà été enclenchée, elle sera alors suspendue. En outre, il est rappelé que le niveau de prise en charge pourra être modulé, voire suspendu en cas d’inutilisation répétée du dispositif
La prise en charge anticipée doit être demandée par l’exploitant du dispositif médical numérique de télésurveillance. Le remboursement intervient sur une base forfaitaire, subordonné à des engagements de la part du bénéficiaire (article L. 162-1-23 CSS)
L’exploitant doit assurer la continuité des traitements ou de la surveillance médicale initiés, non seulement pendant la durée de la prise en charge transitoire mais également pendant une durée d’au moins six mois à compter de l’arrêt de cette prise en charge. Cette durée est néanmoins ramenée à 45 jours en cas de refus de l’inscription sur la LPP ou la liste des activités de télésurveillance médicale.
Interruption de la prise en charge anticipée
3 cas d’interruption de la prise en charge anticipée avant sa durée légale d’un an :
- lorsque l’engagement de déposer une demande d’inscription sur la LPP ou la liste des activités de télésurveillance médicale dans un délai de 9 mois à compter de la décision de prise en charge anticipée n’est pas respecté ;
- lorsque la décision d’inscription ou de refus d’inscription sur les listes de droit commun est prise et que le tarif de responsabilité est publié ;
- lorsque les critères de la prise en charge anticipée ne sont plus remplis.
Sanction du non-respect de continuité de traitement
L’exploitant doit remplir une obligation de continuité de traitement. En cas de manquement à cette obligation, une pénalité financière sera appliquée. Le montant de la pénalité est fixé en fonction de la gravité du manquement constaté. Cette pénalité ne peut dépasser 30 % du chiffre d’affaires hors taxe réalisé en France au titre du dispositif au cours des 18 mois précédant la constatation du manquement.
La pénalité est recouvrée et contrôlée par les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) désignées par le directeur de l’Urssaf Caisse nationale (ancienne Acoss), selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations à la charge des employeurs assises sur les gains et rémunérations de leurs salariés. Le recours présenté contre la décision prononçant cette pénalité est un recours de pleine juridiction
Un décret en Conseil d’État définira des modalités d’application de ses dispositions.
Règle de non-cumul des prises en charge
Le forfait fixé par arrêté ministériel, dans des conditions précisées par voie réglementaire, ne pourra être cumulée avec d’autres modes de prise en charge, telle que la prise en charge au titre des prestations d’hospitalisation donnant lieu à facturation, c’est-à-dire hors séjours tarifés en groupe homogène de séjour (GHS) ou en groupe homogène de tarifs (GHT). ;