
Eléonore Scaramozzino, Avocat Partenaire de Constellation Avocats
Le Règlement UE n°536/2014 du 16 avril 2014 « relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain et abrogeant la directive 2001/20/CE » est entré en vigueur le 31 janvier 2022, 6 mois après la publication de l’avis de la Commission européenne sur la pleine opérationnalité du portail et de la base de données de l’UE et leur conformité aux spécifications fonctionnelles fixées.
” Le 21 avril 2021, le conseil d’administration de l’Agence, sur la base du rapport d’audit indépendant remis le 8 avril 2021, a informé la Commission, conformément à l’article 82, paragraphe 2, du règlement (UE) no 536/2014, que le portail de l’Union et la base de données de l’Union sont pleinement opérationnels et que les systèmes correspondent aux spécifications fonctionnelles publiées par l’Agence. Sur la base des informations fournies par le conseil d’administration de l’Agence, la Commission a vérifié que le portail de l’Union et la base de données de l’Union remplissent les conditions du caractère pleinement opérationnel et de la conformité avec ces spécifications fonctionnelles. Le règlement (UE) no 536/2014 est applicable six mois après la publication d’un avis au Journal officiel de l’Union européenne, conformément à l’article 99, deuxième alinéa, dudit règlement. Le présent règlement devrait donc entrer en vigueur de toute urgence » (Avis de la Commission européenne 2021/1240,relative à la conformité du portail de l’Union et de la base de données de l’Union sur les essais cliniques de médicaments à usage humain avec les exigences visées à l’article 82, paragraphe 2, du règlement (UE) no 536/2014 du Parlement européen et du Conseil) .
Le Clinical Trial Information System ( CTIS) est le système d’information des essais cliniques qui met en œuvre au niveau européen, cette nouvelle réglementation . Il permet d’harmoniser les processus de soumission, d’évaluation et de surveillance des essais cliniques pris en charge par ce système d’information, dont l’interface web https://euclinicaltrials.eu, devient le portail unique. Ce portail vise à regrouper toutes les informations relatives aux essais cliniques (EC) autorisés dans les Etats Membres (EM).
Il vise à dynamiser la recherche clinique en Europe, en centralisant les demandes d’autorisation d’essais cliniques sans compromettre la sécurité des patients. Il s’applique à toutes les études interventionnelles portant sur les médicaments à usage humain, y compris les médicaments de thérapie innovante, dès lors que l’étude est conduite dans au moins un Etat membre de l’UE.
Le Règlement UE n°536/2014 instaure un dépôt unique du dossier de demande d’autorisation par le promoteur de l’essai clinique, par le CTIS. Au lieu de soumettre différentes demandes d’autorisation auprès des différentes autorités nationales des Etats membres impliqués dans l’essai, comme le prévoit la directive 2001/20/CE sur les essais cliniques des médicaments, le promoteur ne réalise plus qu’une unique demande dématérialisée et centralisée. Le promoteur propose, aux Etats membres concernés, l’un d’eux comme Etat membre rapporteur (EMR). Le dossier est composé de deux parties : une partie I dite scientifique, qui fera l’objet d’une évaluation coordonnée entre Etats membres concernés, aboutissant à une conclusion unique et une partie II dite éthique, qui sera évaluée par chaque Etat membre concerné, conduisant à une conclusion nationale. A l’issu de l’évaluation, qui est menée en parallèle pour les deux parties du dossier, chaque Etat membre fait part de sa décision au promoteur via le CTIS (essai clinique autorisé, autorisé sous conditions ou refusé).
Au-delà des changements découlant directement de la mise en place du Portail commun, d’autres évolutions de la règlementation sont introduites dans ce règlement. Il s’agit notamment d’une modification des catégories de recherche.
Champ d’application du REC
Le REC s’applique aux essais cliniques interventionnels sur le médicament conduits dans l’UE, y compris les Essais cliniques (EC) à faible niveau d’intervention (article 1er du REC).
Essais cliniques
Pour mieux différencier les obligations selon le profil de risque de l’essai, le règlement introduit une nouvelle sous-catégorie d’essai clinique, appelé l’essai clinique à faible niveau d’intervention
Un EC à faible niveau d’intervention correspond à « un essai clinique obéissant à l’ensemble des conditions suivantes : a) les médicaments expérimentaux, à l’exclusion des placebos, sont autorisés ; b) selon le protocole de l’étude clinique : i. les médicaments expérimentaux sont utilisés conformément aux conditions de l’autorisation de mise sur le marché ; ii. ou l’utilisation des médicaments expérimentaux est fondée sur des données probantes et étayée par des publications scientifiques concernant la sécurité et l’efficacité de ces médicaments expérimentaux dans l’un des États membres concernés ; c) et les procédures supplémentaires de diagnostic ou de surveillance impliquent au plus un risque ou une contrainte supplémentaire minimale pour la sécurité des participants par rapport à la pratique clinique normale dans tout État membre concerné » (article 2).
Il en résulte que pour être considéré comme un essai clinique à faible niveau d’intervention, l’essai doit remplir trois conditions :
- Les médicaments expérimentaux utilisés (hors placebo) doivent être autorisés ;
- Les médicaments expérimentaux doivent être utilisés conformément à leur AMM ou bien leur utilisation doit être fondée sur des données probantes et publiées de sécurité et d’efficacité dans l’un des EMC ;
- Les procédures supplémentaires de diagnostic et de surveillance entraînent tout au plus un risque ou une contrainte minimale pour la sécurité des participants par rapport à la pratique normale dans l’EMC.
Le règlement ne s’applique pas aux études non interventionnelles, études cliniques autre qu’un EC. Le REC ne s’appliquent pas aux recherches impliquant la personne humaine non interventionnelle de l’article L 1121-1 du CSP (RIPH3) portant sur un médicament.
Une adaptation des dispositions du CSP a été réalisée (articles L. 1121-1 et L. 1124-1 du CSP) et les dispositions de l’article L. 1124-1 du CSP s’appliquent en France aux EC relevant du REC.
Selon le modèle de sa recherche, le Promoteur peut décider ou non de présenter son essai clinique comme étant à faible niveau d’intervention : dans ce cas, il peut présenter un DAEC simplifié. Cependant, l’EMR qui analyse initialement la recevabilité des dossiers rend son avis sur cette catégorisation de la recherche.
Les médicaments des EC relevant du REC
Les médicaments des EC relevant du REC sont ceux définis à l’article 1er de la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, y compris les médicaments dérivés du sang ou du plasma, les médicaments radiopharmaceutiques, les médicaments stupéfiants, les médicaments comportant tout ou partie des organismes génétiquement modifiés, les médicaments de thérapie innovante, et les médicaments préparés par les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé.
Période transitoire

La simplification de la Procédure d’Autorisation d’Essai Clinique
Prévue par les articles 4 à 14 du règlement, la procédure d’autorisation d’essais cliniques menés dans plusieurs Etats membres est simplifiée et nécessite un seul dépôt de demande d’autorisation d’essai clinique (DAEC) par le promoteur sur le CTIS pour tous les Etats Membres Concernés (EMC).
Evaluation conjointe EMR et EMC : Répartition des compétences
Ce Dossier d’Autorisation d’Essai Clinique (DAEC) est composé de deux parties : Partie I dite « scientifique » et une partie II dite « éthique », qui seront évaluées conjointement par les États Membres dans lesquels le Promoteur souhaite mener l’essai. À l’issue de l’étude du dossier par les États Membres Concernés (EMC), un rapport d’évaluation est émis : ce rapport comporte 2 parties :
L’évaluation scientifique sera coordonnée par un État membre rapporteur (EMR), qui en pratique correspondant à l’autorité compétente du pays dit « rapporteur ». De l’autre côté l’évaluation éthique est réalisée par un comité d’éthique de la recherche (le CPP en France) dans chacun des états membres concernés. Un avis éthique sera donné par chaque état membre.

À l’issue de la période d’évaluation du DAEC, chaque État Membre Concerné donne sa décision finale concernant l’autorisation de mener l’essai en tenant compte de la décision de l’État Membre Rapporteur sur la partie I et de la décision de son Comité d’éthique sur la partie II.
Il est prévu que la décision de l’EMC au regard de la partie I soit celle de l’EMR, sauf dans certains cas très spécifiques qui devront être documentés.
Communication Promoteur et EMR
Le principe de la communication entre le Promoteur et les États Membres est qu’elle a lieu uniquement via le Portail de l’Union, et que seul l’État Membre Rapporteur peut communiquer avec le Promoteur après dépôt du DAEC.
Choix de l’Etat membre rapporteur
3 cas de figure sont alors envisageables :
- L’EMR désigné accepte le choix du promoteur et aucun autre EM n’est disposé à devenir le rapporteur.
- L’EMR proposé refuse d’évaluer le dossier de soumission et le notifie aux autres parties (dans un délai de 3 jours) : dans ces conditions, un autre EM peut se proposer et être désigné comme rapporteur.
- Aucun EM n’est disposé à devenir rapporteur ou au contraire, plusieurs EM souhaitent le devenir, dans ce cas un accord est alors conclu entre les différents EMC pour désigner le rapporteur ; si aucun accord n’est conclu, l’EMR est par défaut, celui proposé par le promoteur.
Via le portail de l’Union, l’EMR aura 6 jours à partir du dépôt du dossier pour faire savoir au promoteur et aux autres EMC par l’EC, qu’il est l’EMR

Les délais
Délais d’autorisation reposent sur le principe de l’accord tacite, ce qui implique qu’une non-réponse des EMC le cas échéant vaut validation ou accord.
Lorsque le Promoteur est sollicité pour des compléments d’information et qu’il ne répond pas dans les délais, sa demande est réputée caduque.
Délais d’évaluation du dossier des DAEC par les EMC
Le dossier d’autorisation d’essai clinique (DAEC) pourra être soumis en parallèle partie I à l’EMR et partie II aux EMC, ou les deux parties pourront être évaluées séparément.
L’EMR dispose de 45 jours à compter de la validation du dossier de demande d’autorisation d’essais cliniques (DAEC) pour transmettre au promoteur le rapport final d’évaluation de la Partie I (soit 55 jours à partir de la date du dépôt de la DAEC).

Tant que le rapport d’évaluation n’a pas été transmis au Promoteur, ce dernier peut retirer sa demande à tout moment, ses raisons doivent être précisées par le CTIS. La demande de retrait est demandée dans l’ensemble des pays où le dossier a été déposé.
L’autorisation d’essai clinique expire dans un EMC si aucun participant n’a été inclus dans cet État dans un délai de 2 ans, sauf si le Promoteur a déposé une demande de prolongation qui a été approuvée.
Le promoteur peut demander une évaluation séquentielle :
- Demande d’évaluation Partie I par l’EMR, examen coordonné des EMC et consolidation du rapport PI par EMR : notification au Promoteur
- Demande d’évaluation de la Partie II par les EMC doit être déposée dans un délai de 2 ans à compter de la notification de la conclusion rendue sur la partie I, au-delà de 2 ans la DAEC est caduque.
La communication se fait entre EMR et le promoteur.
Procédure d’Autorisation de Modifications Substantielles d’un Essai Clinique
En ce qui concerne les modifications substantielles (MS) (Articles 15 à 24)
Toute modification substantielle demandée par le Promoteur doit être autorisée par l’Etat Membre
Cette modification de demande de modification substantielle suit la procédure de l’autorisation initiale.
Trois cas de figure se présentent :
- Modification impactant uniquement la partie I du dossier
- Modification impactant uniquement la partie II du dossier
- Modification impactant la partie I et II du dossier

A suivre : Consentement et Notifications de Sécurité dans le cadre d’un Essai Clinique