Projet de loi relative à l’innovation en santé adoptée en 1ère Lecture par le Sénat

Eléonore Scaramozzino, Avocat partenaire, Constellation Avocats
Le Sénat a adopté en première lecture un projet de loi relative à l’innovation en santé, émanant des sénatrices Catherine DEROCHE, Annie DELMONT-KOROPOULIS et plusieurs de leurs collègues, visant notamment à améliorer les conditions d’accès aux thérapies innovantes. Ce projet introduit un nouvel outil pour le financement du dépistage d’un cancer et l’indice de valeur thérapeutique relative, comme critère d’évaluation en remplacement du SMR/ASMR pour la fixation du prix des médicaments innovants, sous certaines conditions.
Forfait de caractérisation d’un cancer
L’article 14 introduit un forfait spécifique visant à prendre en charge le test de biologie moléculaire permettant de diagnostiquer un cancer. Les tests de biologie moléculaire permettent aux patients atteints de cancer de connaître leur profil génétique et mutationnel. Grâce à ces informations, les patients ont accès à des thérapies ciblées. Le financement actuel par le RIHN (référentiel des actes innovants hors nomenclature) est devenu trop limité par le progrès du séquençage de nouvelle génération. Le nouveau dispositif proposé consiste à prendre en charge forfaitairement la recherche de biomarqueurs diagnostiques, pronostiques ou théranostiques pour tout nouveau cancer diagnostiqué chez un patient. « Théranostique : néologisme issu de la contraction des termes « thérapeutique » et « diagnostic », désignant l’utilisation d’un test diagnostique identifiant un marqueur destiné à orienter la thérapeutique du patient. Cette molécule radioactive permet de détecter les cellules cancéreuses, d’étudier non plus seulement leur anatomie mais aussi leur activité, et de ne délivrer un traitement qu’aux patients qui pourront en tirer avantage. »
Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Institut national du cancer et de la Haute Autorité de santé.

Introduction de l’indicateur de la valeur thérapeutique relative (VTR) pour la fixation du prix des médicaments innovants
C

L’ASMR impacte le niveau du prix du médicament.
4 critères de fixation du prix d’un médicament remboursable (art L 162-16-4CSP): le niveau d’ASMR, le prix de ses comparateurs (médicaments à même visée thérapeutique déjà disponibles sur le marché), la population cible (volume des ventes anticipé ou constaté) les conditions « prévisibles et réelles » d’utilisation du médicament. Sont aussi pris en compte dans les négociations l’avis d’efficience et d’impact budgétaire édités par la CEESP ainsi que les « investissements, notamment en matière de recherche, de développement et de production ». L’ASMR est plus déterminant que les autres vis-à-vis du CEPS puisqu’il encadre le niveau de prix auquel le laboratoire peut prétendre. Dans le cas d’une ASMR V, le CEPS est en situation favorable pour imposer un prix au laboratoire inférieur à celui des comparateurs. Tout le débat se porte donc en partie sur la bonne définition des comparateurs pertinents, zone de fortes divergences entre les laboratoires et le CEPS. L’évaluation de l’amélioration du service médical rendu (ASMR) par la CT de la HAS est rendue difficile dans certaines situations, lorsque l’autorisation de mise sur le marché est délivrée par l’Agence Européenne des Médicaments (EMA) sur la base de données précoces, jugées peu robustes sur le plan scientifique.
Dans son rapport sur la réforme des modalités d’évaluation des médicaments de 2015, Dominique Polton préconisait une réforme de l’évaluation du médicament sur la base d’un seul critère unique, celui de sa valeur thérapeutique relative (VTR) remplaçant le double critère SMR/ASMR. La VTR serait réévaluée périodiquement en fonction des données de vie réelle collectées.
En juillet 2018, le Conseil Stratégique des industries de santé (CSIS) a créé un groupe de travail concernant le remplacement des deux indicateurs SMR /ASMR par l’indicateur unique de la VTR.
Projet de loi : Expérimentation de la VTR « conditionnelle » modifiant l’article L 162-16-4, I, al 1 du CSS
L’article 16 introduit l’indicateur de la valeur thérapeutique relative comme critère d’évaluation en remplacement de l’évaluation par l’indicateur du service médical rendu/amélioration du service médical rendu (SMR /ASMR), pour la fixation du prix du médicament. Le médicament doit présenter une efficacité et une sécurité présumées, répondre à un besoin thérapeutique majeur au regard des alternatives existantes et en l’absence de données cliniques suffisantes et pertinentes pour l’évaluation de l’amélioration du service médical rendu. Il s’agit d’une expérimentation pour une durée de 5 ans. Les conditions seront définies par décret.
Réévaluation de la VTR sur la base de données cliniques complémentaires et de données de santé de vie réelle : L’inscription du médicament sur les listes de l’article L. 162-17 ou L. 162-22-7 CSS est conditionnée à la présentation par l’entreprise qui exploite le médicament de données cliniques et de vie réelle permettant de procéder à la réévaluation périodique de sa valeur thérapeutique relative (VTR). Les données de santé en vie réelle sont intégrées dans l’évaluation médico-économique (art 18).
Proposition de loi relative à l’innovation en santé : texte n°113, adopté en 1ère lecture 22.02.2022
proposition de loi relative à l’innovation en santé (senat.fr)