Bilan de la feuille de route en e-santé : Réussite d’un pari audacieux !

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Focus sur l’orientation n°5 : Soutenir l’innovation, évaluer et favoriser l’engagement des acteurs

Eléonore Scaramozzino, Avocat Partenaire, Constellation Avocats

Le 25 avril 2019 : lancement de la feuille de route de la e-santé.

3 ans après, force est de constater que le virage numérique que le programme MaSanté2022 appelait de ses vœux a eu lieu. Le Bilan est exceptionnel. Le système de santé peut désormais s’appuyer sur des infrastructures robustes, des services socles, pour développer la prévention, suivre les patients dans leur lieu de vie, lutter contre les déserts médicaux et améliorer ses modes de fonctionnement. L’Etat plateforme est devenu une réalité avec le Health Data Hub (HDH) et Mon Espace Santé.

Dans des conditions difficiles, en raison d’une crise sanitaire inédite, mais avec une « pincée de « rien n’est impossible », un paquet de détermination » la DNS a pu compter sur une mobilisation collective pour construire la maison de la e-santé, et placer le digital au cœur d’un système de santé moderne.

5 orientations de la feuille de route de Ma Santé 2022 :

L’Etat plateforme existe avec ses 3 plateformes numériques :

  • Mon Espace Santé (février 2022) ;
  •  le Health Data Hub (HDH) (30 novembre 2019) ;
  •  le bouquet de services pro (BSP) : espace de confiance des professionnels autour de Mon Espace Santé. Il a vocation à réunir les services historiques des acteurs publics et privés de l’écosystème, nationaux et territoriaux, ainsi que de nouvelles applications prêtes à offrir des services innovants aux professionnels de santé, référencés par la puissance publique.

Le BSP va offrir aux professionnels, un accès unique par Pro Santé Connect à la messagerie sécurisée de santé, aux téléservices de l’Assurance maladie (Ameli Pro, INSi, e-prescription unifiée …), ainsi que la possibilité d’échanger des données de manière sécurisée entre leurs logiciels et l’espace santé de leurs patients.

Deux grands chantiers sont en cours : la mise en ligne d’un portail Web BSP pour l’accès direct aux nouveaux services à partir d’un navigateur, ainsi que le déploiement de la plateforme BSP qui va permettre aux éditeurs d’intégrer les services aux professionnels directement dans leurs logiciels métier.

Focus sur l’orientation n°5 :

L’orientation 5 visant à soutenir l’innovation, évaluer et favoriser l’engagement des acteurs a permis l’adoption de financements dédiés à l’aide à l’innovation et l’investissement, dont le financement inédit à l’équipement du Ségur Numérique en Santé (MSS-DNS) visant à favoriser l’échange sécurisé de données entre les professionnels autour du patient, la création du guichet G_NIUS, Recherche et données, tiers lieux d’expérimentation

L’orientation n°5 comprend les actions de 19 à 30. Nous proposons un éclairage sur les actions 19 à 26 axées sur l’opposabilité, le financement et le remboursement.

Opposabilité de la doctrine technique du numérique en santé et des référentiels (PGSSI-S, CI-SIS, CENS…) : action 19

Les différents leviers pour se conformer à la doctrine du numérique en santé et des référentiels

Certification des SI : action 20

Référentiel MATURIN-H

Maturité numérique des établissements sanitaires et médico-sociaux : des observatoires à de futures certifications

Le référentiel MATURIN-H (hôpitaux) vise à centraliser et consolider les indicateurs relatifs à la maturité numérique des établissements sanitaires en mesurant le respect des exigences portées dans les différents référentiels (sécurité, interopérabilité, éthique). Il est structuré en sept dimensions et bénéficiera d’équivalences depuis et vers d’autres certifications déjà existantes (ISO, HIMMS, etc.).

Référentiel MATURIN-H (hôpitaux)

Il a vocation à être basé dans un premier temps sur de l’auto-évaluation afin d’engager les établissements dans une démarche d’amélioration continue.

Première version focalisée sur la Sécurité des SI

Les premiers travaux se sont concentrés sur les enjeux autour de la sécurité des systèmes d’information, avec notamment deux ambitions :

Indicateurs de la directive NIS pour les établissements OSE Indicateurs du Plan Cyber pour les établissements 
Pour les environ 150 établissements Opérateurs de Services Essentiels (OSE), traduire l’ensemble des exigences de la directive européenne NIS (Network and Information Security, sécurité des réseaux et systèmes d’information) et des certifications ISO 27001/27002, en plus d’une centaine d’indicateurs : TEST DES CRITERES DE SECURITE « établissements OSE »Pour l’ensemble des établissements, traduire les règles et mesures prioritaires du plan cyber en une cinquantaine d’indicateurs, qui alimenteront l’Observatoire Permanent de la Sécurité des Systèmes d’Information des Établissements Sanitaires (OPSSIES), priorité du plan cyber : OUTIL oSIS  

Démarche pour le médico-social

Pour le médico-social et le social, un premier observatoire des systèmes d’information et du numérique (MATURIN-ESMS) a été créé début 2022.

Les indicateurs sont différents du secteur sanitaire, mais seront regroupés dans les 7 mêmes domaines que MATURIN-H. L’objectif à terme est d’intégrer tout ou partie de ces indicateurs dans les exigences des établissements notamment via les volets de contractualisation

Essais cliniques et dispositifs médicaux : action 21

Le règlement UE 2017/745 sur les dispositifs médicaux (DM) a provoqué des délais moyens de 20 mois pour avoir un certificat CE auprès d’organismes notifiés (ON), et des risques de retrait du marché de solutions DM, comme par exemple sur l’imagerie médicale. Des actions sont désormais lancées dans le cadre du Plan DM et de France 2030 pour pallier les difficultés constatées et faciliter l’évaluation clinique. Le nombre et la capacité de ces ON sera augmenté via un appel à projets à paraître au 3ème trimestre 2022.

Evaluation des bénéfices de la e-santé

Le Conseil du Numérique en Santé, a lancé un groupe de travail “évaluation des bénéfices de la e-santé” portant sur l’évaluation de la satisfaction des utilisateurs de services numériques en santé dont la synthèse a été publiée sur le site de l’ANS. Ces contributions ont permis de conduire à des actions concrètes et à un financement dans le cadre de la stratégie d’accélération “Santé numérique”. L’appel à projets “Tiers lieux d’expérimentation” vise à créer des lieux dédiés à la co-conception regroupant l’ensemble des parties prenantes notamment patients et professionnels de santé.

Remboursement par l’Assurance Maladie :

Les appels à projets du Grand Défi « IA & santé », lancés en 2020 ont permis de financer 26 projets pour un total déjà décidé de plus de 7,2M€ sur des indications très variées : organisation des soins, cancer de la vessie, du poumon, du sein, ou santé mentale par exemple. La suite de ces appels élargi à tous les DM numériques est dotée de 95M€ sur 5 ans. La 1ère vague clôturée en mars 2022 a permis de recevoir plus de 100 candidatures de projets en télésurveillance, télésoin, diagnostic, imagerie, etc.

La DNS, la HAS et EIT Health se sont appuyés sur la Présidence Française du Conseil de l’Union Européenne pour initier un travail au niveau Européen d’harmonisation des pratiques d’évaluations cliniques. Un article de consensus doit être publié d’ici octobre 2022 pour établir ces principes communs en vue de faire des demandes de remboursements dans les pays de l’UE.

Recherche et données placées au cœur de la stratégie pour faire émerger de nouvelles technologies en santé : Action 23

La sécurisation et la valorisation des données de santé sont des enjeux majeurs de la vie privée, de la compétitivité et de la souveraineté. Le numérique en santé est désormais un sujet de recherche vaste et diversifié. Il s’est structuré récemment grâce aux initiatives privées et publiques.

Financement de l’innovation dans la recherche

L’aide au financement passe par plusieurs dispositifs complémentaires. Sont en cours de lancement :

  • Un « programme et équipements prioritaires de recherche » (PEPR), dont les objectifs sont de produire des innovations de rupture structurelles dans les 5 à 10 ans, avec des applications notamment en cardiologie et en neurologie. Ce PEPR doté de 60M€ s’articule avec un programme en cours de cadrage pour la valorisation et le transfert de technologie vers l’industrie (via l’appel à projets “prématuration – maturation”).
  • Un appel à projets sur les entrepôts de données de santé hospitaliers, dont l’ambition est de mettre en place et renforcer un réseau d’entrepôts d’ici 2025.

Les cohortes :

  • France Cohortes vise à consolider la production et le traitement de données de cohortes financées (plus de 600.000 participants au total).
  • Le portail FRESH (France Recherche en Santé Humaine), a vocation à accélérer la centralisation des données de recherches cliniques plus ponctuelles, leur valorisation et permettre leur utilisation par les destinataires : les professionnels de santé, le grand public.
  • Santé.fr a initié un service “essais cliniques” pour permettre aux citoyens d’accéder aux données relatives aux essais cliniques, et se rapprocher des centres d’investigation.

Tiers-Lieux : action 24

Les porteurs d’innovations sont confrontés à une difficulté majeure : trouver des terrains d’expérimentations pour pouvoir tester, améliorer et évaluer leurs solutions directement avec les usagers et les professionnels de soin.

  • En 2020, l’appel à projets « Structures 3.0 » (3 millions d’euros) est venu répondre à cet enjeu pour le médico-social. Des centaines de professionnels et d’usagers ont pu ainsi expérimenter et faire évoluer une dizaine de solutions innovantes qui améliorent la prise en charge et la qualité de vie au travail. L’action est reconduite en 2022 avec un nouvel appel à projets doté de 3 millions d’euros.
  • un nouvel appel à projets « Tiers Lieux d’expérimentation » lancé en 2021 permet aux structures de santé d’inscrire leur programme d’innovation ouverte dans la durée grâce à une subvention pluriannuelle. Doté d’une enveloppe de 63 millions d’euros, cet appel à projets va permettre aux établissements de structurer et pérenniser leur démarche d’innovation ouverte pour offrir aux entrepreneurs des terrains et de la matière d’expérimentations. 30 tiers lieux et 100 expérimentations seront financés jusqu’en 2025.

Aide à l’innovation et à l’investissement : action 25

Dans les appels à projets i-Nov ou i-Demo, les thèmes prioritaires ciblés ont été :

L’imagerie médicale pour une imagerie nomade, hybride, personnalisée et thérapeutique, avec des diagnostics plus précis, plus précoces et des procédures moins invasives.

La santé mentale : L’objectif est de favoriser l’émergence de nouvelles solutions numériques pour une meilleure prise en charge, avec une approche transversale entre prévention, soin et inclusion sociale, un repérage et un dépistage des troubles plus précoces ou un décloisonnement entre la ville, le secteur sanitaire, médico-social et le social. Cette approche transversale est matérialisée par le lancement du Grand Défi numérique en santé mentale,

Les dispositifs médicaux numériques de thérapies numériques pour lesquels la question de la preuve du bénéfice clinique et/ou médico-économique est centrale pour prétendre à un remboursement par l’Assurance maladie (ou autre forme de prise en charge). L’Appel à manifestation d’intérêt « Santé numérique » a financé notamment le projet d’évaluation clinique d’un dispositif médical numérique MILA (de bMotion Technologies) et le projet Mon Bouclier Médicaments (de Synapse Medicine).

La télésanté : Les porteurs de projets de télésanté peuvent obtenir un cofinancement de leur projet de développement de service accessible. Ces financements sont conditionnés au respect de la doctrine du numérique en santé. Les projets financés font l’objet d’une évaluation de la part des pouvoirs publics in itinere et ex post.

L’accès au marché : action 26

Le développement de la filière du numérique en santé dépend également de la lisibilité, de la pérennité et parfois tout simplement de l’accès à la prise en charge. Dans le système français, les modèles économiques s’appuient essentiellement sur deux leviers : l’achat par les organisations de soins et médico-sociales ou le remboursement par l’Assurance maladie.

  • L’achat de services numériques par les organisations de soins est une piste naturellement envisagée par les industriels mais délicate et difficilement généralisable. À ce titre, des études sont en cours pour favoriser l’achat hospitalier innovant pour les produits de santé numériques
  • le remboursement par l’Assurance maladie constitue le modèle économique cible de nombreux dispositifs médicaux numériques. L’enjeu est donc de rendre le processus plus prévisible et adapté au numérique.

Deux initiatives concrètes :

  • la prise en charge anticipée : Ce mécanisme permet de bénéficier d’un remboursement par anticipation pendant 12 mois. L’industriel peut ainsi consolider des données d’usage en vie réelle à large échelle, indispensable pour peaufiner sa stratégie d’accès marché. Au bout d’une année, une réévaluation du prix de remboursement sera réalisée.
  • la généralisation du remboursement de la télésurveillance (fin du programme expérimental ETAPES 2022).

Les actions 27 à 30 concernent la formation, l’attractivité RH, les talents de la e-santé, et les ateliers (comité citoyen).

 « c’est en passant d’un mouvement brownien, où tout le monde met beaucoup d’énergie en ordre dispersé, à une ruche, dans laquelle chaque acteur joue son rôle sur son juste terrain de jeu, que ces exploits ont pu voir le jour ! Il ne tient qu’à nous tous de poursuivre la dynamique, ensemble »

Extrait FAIT(S)  Bilan feuille de route du numérique en santé 2019-2022

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