PLFSS 2023 : Le cadre juridique pour les sociétés de téléconsultation

Posted by

Les conditions de prise en charge par l’Assurance Maladie Obligatoire des actes de téléconsultations de ces sociétés de téléconsultation ?

Eléonore Scaramozzino, Avocate partenaire, Constellations Avocats

La téléconsultation est une consultation à distance entre un professionnel médical et son patient via l’utilisation des technologies de l’information et de la communication. Il s’agit d’un acte médical à distance, qui s’inscrit dans un parcours de soin.

Dans son rapport sur le « Mésusage de la télémédecine [1] », le Conseil National de l’ordre des médecins (Cnom) a exprimé ses inquiétudes face au développement d’une pratique de téléconsultation qui ne respecte pas le principe de territorialité, le principe de connaissance préalable du patient et qui s’oriente vers une prise en charge de patients, exclusivement en téléconsultation. Cette pratique porte atteinte aux exigences déontologiques de qualité, de sécurité et de continuité des soins. L’avenant n°9 (convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’Assurance maladie) prévoit d’ailleurs que l’exercice de la télémédecine par un médecin conventionné ne peut dépasser plus de 20% de son volume d’activité globale conventionnée à distance sur une année civile. Pour les médecins non conventionnés, la part d’activité en télémédecine doit également rester minoritaire.

Ces sociétés de téléconsultations, qui emploient des médecins salariés, interrogent sur leur capacité à respecter la protection des données, le secret professionnel, les règles spécifiques au partage de l’information au sein de l’équipe de soins et le droit d’opposition du patient (art L 1110-4 CSP). Par ailleurs, les référentiels de sécurité, d’interopérabilité et d’éthique imposées aux dispositifs médicaux de télésurveillance et aux acteurs de la santé numériques, dont les plateformes qui offrent des outils numériques aux médecins pour réaliser des actes de téléconsultation pour être référencés sur le catalogue de Mon Espace Santé devraient également être imposées à ces sociétés.

Le CNOM souhaite une régulation des télécabines par les agences régionales de santé (ARS).

Les Entreprises de Télémédecine (LET) proposent l’agrément des sociétés de téléconsultation, dans le code la santé publique, condition de facturation à l’assurance maladie des actes de téléconsultation, réalisés par des médecins salariés.

Comment le texte de l’article 28 dans sa version de l’article 49.3 de la Constitution répond aux craintes d’un « mesusage » de la télémédecine ?

Quelles sont les obligations prévues par ce texte à ces nouveaux « offreurs de soins » pour une prise en charge des actes de téléconsultation ?

Situation actuelle de la prise en charge des actes de téléconsultation

L’activité de télémédecine mise en œuvre par les sociétés commerciales est aujourd’hui structurée autour de deux modèles différents.


Création d’un statut juridique ad hoc pour les sociétés de téléconsultation

L’article 28 du PLFSS 2023, texte de l’article 49.3 de la Constitution vise à créer d’un statut juridique ad hoc pour les sociétés de téléconsultation qui proposent une offre de télémédecine par leurs médecins salariés. Dès lors que ces sociétés ont reçu l’agrément, elles seront ajoutées à la liste des statuts existants permettant de facturer l’assurance maladie obligatoire (AMO).

II est ainsi proposé de créer dans le livre préliminaire de la quatrième partie du code de la santé publique un titre VIII « Agrément des sociétés de téléconsultation » (« Art. L. 4081-1 CSP).

En étant agréée, la société de téléconsultation pourrait facturer directement à l’assurance maladie obligatoire (AMO) les actes de téléconsultation réalisés par des médecins salariés. L’avenant 9 à la convention médicale serait applicable. Il serait donc possible de déroger aux principes de parcours de soin et de territorialité, pour le remboursement des consultations dans le cas où :

  • Le patient n’a pas de médecin traitant ou que son médecin traitant n’est pas disponible,
  • Le patient réside en zone sous-dense.

Rôle du comité médical

Il est prévu d’intégrer à la gouvernance d’une société de téléconsultation un comité médical composé de médecins et de représentants des usagers.

Ce comité médical est chargé de :

  • Formuler un avis sur la politique médicale de la société
    • Formuler un avis sur son programme d’actionsContribuer à la définition de sa politique médicaleContribuer à l’élaboration de la politique d’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins.
    • S’assurer de la cohérence de la formation médicale continue des médecins salariés par la société.

Obligations des sociétés de téléconsultation agréées

Après avis du Comité Médial, les sociétés de téléconsultation agréées devront :

  • Elaborer un programme d’actions visant à garantir le respect des obligations qui s’imposent à elles, assorti d’indicateurs de suivi, transmis au Conseil départementalde l’ordre des médecins du lieu de son siège social et aux ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé ;
  •  Transmettre un rapport sur leurs activités, transmis au conseil départemental de l’ordre des médecins et aux ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé. Comportant notamment le suivi de son programme d’actions.

Un amendement (2553) prévoit que le Parlement puisse demander aux ministres chargés de la sécurité sociale et de la santé de rendre public le rapport d’activité des sociétés de téléconsultations agréées

Vérification de la conformité aux exigences légales et réglementaires

La procédure de vérification associera l’ensemble des parties prenantes, notamment :

  • la Haute Autorité de Santé (HAS),
  • la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam),
  • l’Agence du numérique en santé (ANS),
  • le Conseil de l’Ordre des médecins.

Cette procédure est placée sous placée sous la responsabilité des ministères chargées de la sécurité sociale et de la santé.

La Haute Autorité de santé (HAS) devra établir un référentiel de bonnes pratiques professionnelles applicables aux sociétés de téléconsultation bénéficiant du statut ad hoc et proposer des méthodes d’évaluation de ces sociétés.

Un certificat de conformité aux référentiels de sécurité, interopérabilité et éthique (art L 1470-5 CSP) sera délivré par l’Agence du Numérique en Santé. Un arrêté précisera la procédure de délivrance d’un certificat de conformité aux référentiels. En l’absence de certificat de conformité obligatoire, une pénalité financière peut être imposée. Il est proposé que le montant de la pénalité ne soit pas supérieur à: « 1° À 1 % du chiffre d’affaires, hors taxes, réalisé en France par l’éditeur au titre du dernier exercice clos pour l’année précédente, dans la limite d’un million d’euros ; « 2° À 1 000 euros pour les personnes physiques et à 10 000 euros pour les personnes morales. « Le montant de la pénalité est fixé en fonction de la gravité du manquement constaté. Le ministre chargé de la santé peut assortir cette amende d’une astreinte journalière lorsque l’éditeur ne s’est pas conformé, à l’issue du délai fixé par une mise en demeure, aux prescriptions qui lui ont été adressées. Le montant de l’astreinte ne peut excéder 1 000 euros par jour » (art L 1470-6 CSP, amendé par le PLFSS version article 49.3 de la Constitution).

L’entrée en vigueur de ces sanctions sera fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard le 31 décembre 2024..

Durée de l’agrément

La durée de l’agrément et les modalités de renouvellement seront précisées par décret. Selon l’étude d’impact, la durée sera fixée à deux ans afin de s’assurer régulièrement que les sociétés respectent les référentiels de l’article L 1470-5 CSP

L’agrément peut être suspendu par les Ministres de la Santé et la Sécurité Sociale si les conditions de délivrance ou de renouvellement ne sont plus satisfaites. Les conditions de suspension ou de refus de renouvellement sont fixées par décret.

Le coût du dispositif, qui entrera en vigueur au plus tard le 31 décembre 2023, est évalué à 2,6 millions d’euros pour l’année 2023, dont 2,3 millions d’euros au titre du remboursement des téléconsultations, et à 4,5 millions d’euros en 2024 et 2025.

(1)règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données

[1] https://www.conseil-national.medecin.fr/sites/default/files/external-package/rapport/10ax7i9/cnom_mesusage_de_la_telemedecine.pdf

Laisser un commentaire