
Réforme du référentiel des actes innovants hors nomenclature de biologie et d’anatomocytopathologie (RIHN)
Accélérer et fluidifier les entrées et sorties des actes innovants du RIHN
Eléonore Scaramozzino, Avocate Partenaire Constellation Avocats
Mise à jour 10.11.2022 après discussion en séance publique au Sénat.
Créés en 20151, ces outils sont en quelque sorte le pendant de la liste en sus pour la prise en charge des actes innovants de biologie médicale et d’anatomocytopathologie dans l’attente de leur évaluation par la HAS et de leur inscription à la nomenclature pour leur prise en charge par l’Assurance maladie dans les conditions de droit commun. Le Référentiel des actes innovants hors nomenclature de biologie et d’anatomocytopathologie (RIHN) est donc un mécanisme de prise en charge conditionnelle de l’innovation comme les deux autres piliers de soutien à l’innovation que sont le forfait innovation et l’accès précoce. Il est en quelque sorte le pendant de la liste en sus pour la prise en charge des actes innovants de biologie médicale et d’anatomocytopathologie dans l’attente de leur évaluation par la HAS et de leur inscription à la nomenclature.
Ce dispositif souffre d’un manque de dynamisme dans la gestion des entrées et des sorties du référentiel. Les actes innovants inscrits au RIHN sont en attente d’évaluation par la HAS pour une inscription à la nomenclature des actes de biologie médicale (NABM), ce qui a pour effet de restreindre l’inscription et la prise en charge de nouveaux actes innovants. Une gestion plus dynamique du RIHN et de sa liste complémentaire est indispensable pour éviter les effets de « goulots d’étranglement » qui limite l’accès à l’innovation par les patients. Un rapport de la Cour des comptes [1] a analysé, « l’incapacité persistante » de la France « à assimiler les innovations dans le cadre tarifaire » de la biologie médicale, face à l’arrivée massive de nouvelles méthodes d’analyse, principalement issues de deux techniques : la biologie moléculaire et le séquençage haut début. Plus de 700 actes innovants se sont ainsi accumulés, dans l’attente d’une évaluation par la HAS.
L’article 27 du PLFSS 2023 introduit une réforme du RIHN visant à sécuriser le dispositif et améliorer le fonctionnement, tout particulièrement la procédure d’entrée et la procédure de sortie des actes inscrits à ce référentiel.
RIHN : un accès précoce des actes innovants de biologie médicale et d’anatomocytopathologie
Dans le cadre de l’innovation en santé et notamment en biologie médicale, la direction générale de l’offre de soins (DGOS) a mis en place par une instruction du 31 juillet 2015 (Instruction DGOS/PF4 n° 2015-258 relative aux modalités d’identification, de recueil des actes de biologie médicale et d’anatomocytopathologie hors nomenclature éligibles au financement au titre de la MERRI G03), le référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN). Ce « pilier de soutien à l’innovation » se traduit par une prise en charge précoce et transitoire d’actes innovants de biologie médicale et d’anatomocytopathologie, conditionnée à la réalisation d’un recueil prospectif et comparatif de données, permettant la validation de l’efficacité clinique et de l’utilité clinique et médico-économique de ces actes innovants afin de faciliter leur évaluation ultérieure par la Haute Autorité de Santé (HAS), en vue d’une prise en charge par l’Assurance Maladie.

Un acte innovant est inscrit au sein du RIHN pour une durée initiale de 3 ans. Au terme de cette période, une réévaluation de l’acte inscrit au sein du RIHN est réalisée sur la base d’un dossier transmis par le demandeur permettant :
- D’actualiser les connaissances sur le niveau de validation clinique et médico-économique de l’acte ;
- De décrire l’état d’avancement du recueil de données prospectif et comparatif ;
- D’actualiser l’impact budgétaire de l’acte au sein de la dotation MERRI G03.
A l’issue de cette réévaluation, plusieurs cas de figure sont possibles :

Modalité de recueil prospectif et comparatif de données cliniques ou médico-économique
L’inscription d’un acte au sein du RIHN est conditionnée à la réalisation d’un recueil prospectif et comparatif de données cliniques ou médico-économiques. Ce recueil, proposé par le demandeur, permet de colliger l’ensemble des données manquantes nécessaires pour que la HAS puisse déterminer un niveau d’amélioration de service attendu (ASA). Il respecte donc les exigences méthodologiques définies par la HAS au sein de ses guides méthodologiques ou par des standards méthodologiques internationaux le cas échéant, notamment en cas de tests compagnons ou d’évaluation médico-économique. Le recueil de données cliniques et/ou médico-économiques inclut systématiquement les données relatives aux patients ayant eu accès à l’innovation sur le territoire français via l’inscription au RIHN. C’est pourquoi, ces données sont transmises par l’établissement en contact direct avec le patient et au sein duquel l’acte a été prescrit.
Les blocages du RIHN
Dans son Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, d’octobre 2021, la Cour des comptes a pointé du doigt dans son rapport une gestion trop peu dynamique du RIHN et de sa tarification. Elle souligne une difficulté récurrente à orchestrer les « sorties » du RIHN, via l’inscription sur la NABM. Ainsi, entre la création du RIHN en 2015 et 2021, seuls sept actes ont été inscrits sur la NABM. L’accumulation d’actes en attente d’inscription à la nomenclature limite la prise en charge précoce des actes innovants de biologie et d’anatomocytopathologie. Accélérer et fluidifier l’inscription des actes de biologie innovants à la nomenclature est une réforme nécessaire et urgente pour permettre un accès à l’innovation.
La Cour des comptes a par ailleurs souligné que la tarification des actes dans le cadre du RIHN est parfois inadaptée, et ne prend pas assez en compte la baisse rapide du coût de certaines techniques, en particulier dans le champ de la biologie moléculaire et du séquençage génétique, du fait de l’amortissement des équipements. La rigidité des tarifs entraîne ainsi un préjudice pour l’assurance maladie mais aussi pour le financement de nouvelles innovations.
Une enveloppe fermée de l’ONDAM Hospitalier insuffisante
De 2015 à 2020, Une enveloppe fermée de l’Ondam hospitalier d’un montant annuel de 380 millions d’euros est dédiée au financement des actes inscrits au RIHN et sur sa liste complémentaire, au titre la dotation MERRI G03 versée aux établissements de santé. Le montant a été une première fois revalorisé dans le cadre du « Ségur de la santé » pour atteindre 406 millions d’euros en 2021. Enfin, l’enveloppe dédiée aux actes innovants hors nomenclature a été portée à 493 millions d’euros en 2022. Toutefois, cette enveloppe ne permet pas de financer l’ensemble des actes réalisés par les établissements de santé. La direction de la sécurité sociale indique que « depuis 2015, le montant total des déclarations est supérieur à l’enveloppe de financement disponible. Ainsi, la délégation 2021 a permis de couvrir 51 % des coûts supportés par les établissements de santé pour ces activités (le coût associé aux activités prises en compte pour le calcul correspondait à un total de 790 M€ pour une enveloppe limitée à 406 M€ […] ».
En effet, le RIHN est financé par une enveloppe de crédits limitative portée par la mission d’intérêt général (MIG) G03, à hauteur de 493,29 millions d’euros pour 2022. L’étude d’impact annexée au présent projet de loi souligne ainsi que, du fait de cet engorgement du RIHN et des modalités de tarification peu dynamiques, l’enveloppe ne permet de financer en 2021 que 51 % des coûts liés à l’activité recensée en 2019. Les fédérations hospitalières ont indiqué que la prise en charge de certains actes de la liste complémentaire dont l’utilité est pourtant reconnue n’est que de 25 %. Ce risque financier conduit à des pratiques différenciées entre établissements et donc à des iniquités entre patients. La mission d’information de la commission sur l’innovation en santé avait critiqué l’approche par liste du RIHN. Ces enveloppes financièrement contraintes ont des conséquences néfastes sur la prise en charge des patients, en particulier ceux atteints de cancer en les privant des tests dits « compagnons » essentiels pour préciser le diagnostic et accompagner le développement de la médecine personnalisée en oncologie [1]
Les mesures du PLFSS 2023 visant à fluidifier la gestion du RIHN
L’objectif est de faciliter l’accès aux actes innovants de biologie et d’anatomopathologie, comme le prévoit le plan « Innovation Santé 2030 ». Le PLFSS propose d’améliorer son fonctionnement.
L’article 27 du PLFSS 2023 propose de créer au sein du code de la sécurité sociale un nouvel article L. 162-1-24 qui confère une base légale au RIHN et à la procédure d’inscription d’un acte au référentiel. Cet article consacre l’existence d’une liste d’actes de biologie ou d’anatomopathologie hors nomenclature, pouvant faire l’objet d’une prise en charge transitoire, lorsqu’ils sont susceptibles de présenter un bénéfice clinique ou médico-clinique. La prise en charge de l’acte innovant serait « partielle ou totale » et aurait une durée limitée.
Elle serait conditionnée « à la réalisation d’un recueil de données cliniques ou médico-économiques ».
La liste des actes qui bénéficient de cette prise en charge est décidée par le ministre après avis préalable de la Haute Autorité de santé (HAS).
La HAS interviendrait :
- En amont pour la liste des actes bénéficiant de la prise en charge transitoire ;
- En aval pour la sortie du RIHN et l’inscription sur la NABM
L’apport de la réforme est le traitement de la sortie du RIHN en prévoyant une saisie automatique de la HAS, 6 mois avant la fin de la prise en charge de l’acte au titre du RIHN.
Un décret en Conseil d’État devra fixer :
- Les critères d’éligibilité,
- Les modalités d’inscription des actes à la liste du RIHN
- La procédure d’actualisation de la liste actuelle du RIHN,
- Les modalités d’association de la HAS.
Extinction de la liste complémentaire
Elle comprend des actes de biologie médicale et d’anatomocytopathologie initialement innovants mais en attente d’évaluation par la HAS. Cette liste complémentaire est indépendante du RIHN et n’a pas vocation à être alimentée par des actes issus du RIHN. Elle a donc pour unique vocation la gestion du stock d’actes jusqu’à épuisement de ce dernier.
Un calendrier d’extinction de la liste sera défini. Dans l’étude d’impact, le gouvernement souligne que la mise en œuvre de cet article devrait conduire à dégager davantage de ressources pour les véritables innovations, puisque les « anciens » actes innovants se trouveront plus rapidement pris en charge dans le cadre de droit commun, via leur inscription sur la NABM. L’étude d’impact table sur une dépense supplémentaire de 22 millions d’euros par an à terme, en raison du rythme croissant de prise en charge des innovations dans le droit commun. Les syndicats de biologistes médicaux, entendus par en commission des affaires sociales du Sénat, ont noté qu’au rythme proposé par l’étude d’impact (sortie de 5 actes en 2023, 10 actes en 2024, 20 actes en 2025), la liste RIHN devrait être apurée en quinze années, sans compter les nouvelles inscriptions. Par ailleurs, le texte de l’article 27 tel qu’adopté par le Sénat le 10 novembre 2022, ne prévoit rien n’est sur le délai d’inscription à la nomenclature.
Création d’une nouvelle commission spécialisée dans l’évaluation des technologies diagnostiques
Cet article est supprimé par l’adoption de l’amendement 71 présenté par Madame Imbert, Rapporteure générale, au nom de la commission des affaires sociales, Sénat 10.11.2022
Le gouvernement a inséré dans le texte adopté sur le fondement de l’alinéa de l’article 49 de la Constitution un article 27 bis, qui introduit un nouvel article L 162-1-25 du CSS, visant à créer une nouvelle commission réglementée au sein de la HAS compétente pour l’évaluation périodique du service attendu et de l’amélioration du service rendu des produits de santé, des actes, des médicaments ou des prestations à visée diagnostique, pronostique ou prédictive et du service qu’ils rendent. Cette nouvelle commission spécialisée dans l’évaluation des technologies diagnostiques répond à la nécessité de réformer l’évaluation diagnostique pour permettre un accès plus rapide à l’innovation face au développement de la biologie moléculaire en microbiologie ou du séquençage très haut-débit en génétique/oncogénétique.
Les missions de cette Commission :
- L’évaluation des actes professionnels à visée diagnostique, pronostique ou prédictive (par exemple, les actes d’imagerie, d’anatomo-cytopathologie, de médecine nucléaire, de biologie médicale, incluant les tests compagnons et tout acte diagnostique associé à un produit de santé) ;
- L’évaluation des médicaments diagnostiques associés à des actes d’imagerie (radio-pharmaceutiques, produits de contraste) ;
- L’évaluation des dispositifs médicaux diagnostiques à usage individuel (autotests).
Mise à jour le 10.11.2022
[1] Rapport d’information de la Commission des affaires sociales sur l’innovation en santé, par Mme Delmont-Koropoulis et Guillotin, P.50
