Feuille de route du numérique en santé 2023-2027

En consultation publique jusqu’au 14 mars 2023
Focus sur le cadre pour le développement des usages et de l’innovation numérique en santé
Eléonore Scaramozzino, Avocat partenaire de Constellation Avocats
Adoptée en avril 2019, Ma Santé 2022, première feuille de route du numérique en santé, a permis de construire une e-santé humaniste, éthique et interopérable. Elle avait fixé 5 orientations (1 renforcer la gouvernance du numérique en santé, 2 Intensifier l’éthique, la sécurité et l’interopérabilité des systèmes d’information en santé, 3 Accélérer le déploiement des services numérique socles, 4. Déployer au niveau national des plateformes numériques en santé, 5.Soutenir l’innovation, évaluer et favoriser l’engagement des acteurs ) et défini 30 actions
La maison a été pour Ma Santé 2022 et reste pour Ma Santé 2027, le schéma directeur dans une vision d’Etat-plateforme, déclinée dans la doctrine technique du numérique en santé.
L’Etat s’est concentré sur les règles socles (Ethique, Sécurité (PGSSI-S et RGPD), Interopérabilité (CIS-S)) et les services socles d’identité et d’échanges, laissant aux acteurs le soin de construire les outils numériques. Ma Santé 2022 a permis la concrétisation de l’Etat-plateforme avec le Heath Data Hub (HDH) et Mon Espace Santé (MES) et la réalisation de projets tels que l’identité nationale de santé (INS), de l’extension du répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) aux infirmiers, de l’évolution du dossier médical partagé (DMP), le déploiement massif de la carte dématérialisée des professionnels de santé (e-CPS), et la prise en charge de la télésurveillance.
Les quatre axes de la feuille de route du numérique en santé 2023-2027
L’Agence du numérique en santé a présenté le 14 décembre les grandes lignes de sa feuille de route 2023- 2027. Cette feuille de route s’enracine dans des valeurs cardinales, que sont : l’éthique (pour un numérique en santé inclusif, solidaire et responsable), la souveraineté dans les choix technologiques, pour garantir l’indépendance face aux intérêts particuliers et étrangers, la durabilité (impact écologique).
Les quatre grands axes du numérique en santé

La méthodologie de la co-construction avec l’éco-système et des petits pas rapides et des solutions pragmatiques, adaptés régulièrement en fonction des retours de terrain, qui a fonctionné pour la feuille de route de Ma Santé 2022 sera reconduite pour la feuille de route 2023-2027.
La gouvernance du numérique en santé

Focus sur le cadre réglementaire de la Feuille de Route de Ma Santé 2023-2027
Les 5 actions pour le développement d’un cadre propice pour le développement des usages et de l’innovation numérique en santé
La première feuille de route a permis de co-construire avec l’ensemble des acteurs du secteur, une doctrine technique du numérique en santé visant à fixer des règles claires sur les enjeux d’interopérabilité, de sécurité et d’éthique. Ce cadre réglementaire doit être protecteur pour les données de santé, tout en favorisant l’innovation.
Les 5 axes pour développer ce cadre sont :

Action 14. Élaborer et mettre en œuvre un nouveau plan pluriannuel sur le renforcement massif de la cybersécurité pour tous les acteurs de santé et notamment les établissements sanitaires et médico-sociaux

Action 15. Systématiser la co-construction de référentiels d’exigences pour les services numériques en santé, secteur par secteur, en sécurisant leur application effective par les acteurs de santé et les entreprises qui les fournissent
La régulation des services et outils numériques en santé est essentielle pour garantir le respect d’un minimum de règles élémentaires sur
- la sécurité (RGPD, souveraineté de l’hébergement, identification électronique, etc.),
- l’éthique (évaluation carbone, transparence des algorithmes, etc.) ;
- l’interopérabilité (formats de données, connexion aux services socles, terminologies sémantiques, etc.),
Création d’un cadre de confiance, propice au développement du numérique en santé.

Action 16. Accroître la transparence du numérique en santé : observatoire de la maturité numérique en santé.
- Observatoire des acteurs et des entreprises de services du numérique
Pour renforcer le respect des référentiels par les acteurs, et accroître la transparence, un observatoire transversal de la maturité numérique des acteurs de santé sera créé. Il sera complété par une plateforme unique de publication des entreprises du numérique en santé, secteur par secteur, avec leurs différentes solutions, indiquant les certifications et procédures de conformité obtenues, ainsi qu’une plateforme de données ouvertes sur les métriques d’usage des services socles du numérique en santé.
- Benchmark européen
Par ailleurs, pour renforcer les comparaisons entre pays européens sur le numérique en santé, la France poussera pour la création d’une plateforme permettant d’accéder à ces données.
Action 17. Attirer des talents du numérique vers la santé.
Les acteurs (puissance publique, acteurs de santé, entreprises, organismes notifiés, etc.) doivent pouvoir disposer des ressources pertinentes (chefs de projets, ingénieurs sécurité, développeurs, experts réglementaires, etc.).
- Cartographie des métiers du numérique en santé sera menée dès que possible, en essayant d’estimer les besoins prioritaires.
- Grilles salariales du numérique en santé
Les établissements publics doivent continuer à être aidés à recruter et conserver ces talents, avec des référentiels et grilles de rémunération adaptés et partagés, notamment dans des 16 domaines prioritaires (cybersécurité, entrepôts de données, etc.) et y compris pour les stagiaires et apprentis.
- Talent du numérique en santé
Renforcer l’attractivité du secteur, auprès des professionnels et écoles du numérique, en les fléchant sur les bonnes offres d’emploi.
Action 18. Développer la recherche en santé numérique et en particulier l’utilisation secondaire des données de santé
L’utilisation secondaire des données va permettre le développement de la recherche, de l’innovation et le pilotage par les données. La stratégie de réutilisation des données s’appuie sur les 4 piliers


plateforme essentielle pour la recherche et l’innovation par les données.
Ses missions s’articulent autour de quatre activités principales :
- un guichet unique, dont le rôle est d’accompagner les porteurs de projets. Il assure par ailleurs, le secrétariat du CESREES (Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé) qui donne un avis sur les projets avant transmission à la CNIL ;
- une plateforme sécurisée à l’état de l’art offrant des capacités avancées de stockage, de calcul, de rapprochement et d’analyse de données ;
- un certain nombre de bases de données seront répliquées dans la plateforme technologique, en accord avec les acteurs à l’origine de ces données, et mises à jour régulièrement. Cette collection de bases de données constitue de manière itérative avec les acteurs le «catalogue de données » ;
- le Health Data Hub participe à l’animation de l’écosystème, pour favoriser le partage d’expérience et de connaissance autour des données de santé. Le HDH associe 56 parties prenantes, en grande majorité issues de la puissance publique (CNAM,INSERM, CNRS, Haute autorité de santé, France Assos Santé…).
Le rôle du HDS dans la Construction de l’Espace européen des données de santé (EHDS)
Dans la stratégie européenne pour les données, il est proposé de créer des espaces européens communs de données spécifiques à chaque domaine. L’espace européen des données de santé (ci-après l’«EHDS») est la première proposition d’espace européen commun de données spécifique à un domaine. Il répondra aux particularités du secteur de la santé concernant l’accès et le partage des données de santé électroniques, il constitue l’une des priorités de la Commission européenne dans le domaine de la santé, et il fera partie intégrante de la création d’une union européenne de la santé.
La Commission européenne a présenté le 3 mai 2022, sa proposition de règlement sur le futur Espace Européen des Données de Santé Proposition de règlement relatif à l’espace européen des données de santé (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE) (COM(2022) 197 final), dans lequel figure les grands principes directeurs de l’Union européenne pour le partage des données de santé en Europe. Ce projet de règlement sur l’espace européen des données de santé va donner le cadre réglementaire indispensable au numérique en santé en Europe.
L’EHDS repose sur des actes législatifs tels que
RGPD : Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE |
Règlement (UE) 2017/745 relatif aux dispositifs médicaux, Règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, modifiant la directive 2001/83/CE, le règlement (CE) nº 178/2002 et le règlement (CE) nº 1223/2009 et abrogeant les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42/CEE (JO L 117 du 5.5.2017, p. 1) ; |
Règlement (UE) 2017/746 relatif aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (règlement relatif au diagnostic in vitro) : Règlement (UE) 2017/746 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro et abrogeant la directive 98/79/CE et la décision 2010/227/UE de la Commission (JO L 117 du 5.5.2017, p. 176). |
Proposition de législation sur l’intelligence artificielle, Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle (législation sur l’intelligence artificielle), COM(2021) 206 final ; |
Règlement (UE) 2022/868 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 portant sur la gouvernance européenne des données et modifiant le règlement (UE) 2018/1724. Data Governance Act : entré en vigueur le 23 juin 2022 et applicable le 24 septembre 2023, vise à promouvoir la disponibilité des données et à créer un environnement fiable pour faciliter leur utilisation à des fins de recherche et de création de nouveaux services et produits innovants. Le règlement concerne toutes les données, qu’elles soient à caractère personnel ou non, définies comme « toute représentation numérique d’actes, de faits ou d’information et toute compilation de ces actes, faits ou informations, notamment sous la forme d’enregistrements sonores, visuels ou audiovisuels ». |
Proposition de règlement fixant des règles harmonisées pour l’équité de l’accès aux données et de l’utilisation des données (règlement sur les données), COM(2022) 68 final ; |
Directive (UE) 2016/1148 du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 2016 concernant des mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de sécurité des réseaux et des systèmes d’information dans l’Union (JO L 194 du 19.7.2016, p. 1) ; |
Directive 2011/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2011 relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers (JO L 88 du 4.4.2011, p. 45). |
Le texte proposé rend obligatoire la participation à MyHealth@EU (EHDS1) et à HealthData@EU (EHDS2), les deux volets correspondant au parcours de soins et à la réutilisation des données.
EHDS1 : ouverture du service européen SESALI en France en juillet 2021
La France a intégré MaSanté@UE (MyHealth@ EU) en juillet 2021 avec un premier cas d’usage : elle donne accès aux professionnels de santé au Patient Summary (volet de synthèse médicale) des patients résidents dans l’UE via Sesali (service européen d’accès en ligne). Ces patients sont issus des pays connectés sur le cas d’usage d’envoi du Patient Summary (actuellement la République tchèque, la Croatie, le Portugal et Malte, ainsi que très prochainement, l’Estonie, le Luxembourg et l’Espagne). Le déploiement de nouveaux cas d’usage (e-prescription, CR Bio, CR radio, maladies rares…) sera réalisé dans les années à venir.
EHDS2 : Le HDH est le pilier de la préparation de l’EHDS2
Le Health Data Hub français a été sélectionné pour mener un consortium de 16 partenaires issus d’une dizaine de pays européens. Ensemble, ils doivent construire la première version du futur EHDS. Avec EHDS2 (HealthData@EU), l’Europe se dote d’un niveau européen pour la réutilisation des données de santé. Concrètement, il s’agit de mettre en œuvre une autorisation d’accès unique à des catalogues de données européens dans des conditions de sécurité et d’éthique définies. Le Health Data Hub français contribue à l’action conjointe TEHDAS (Towards a European Health Data Space) qui développe cette vision.
Ce consortium est chargé de connecter des plateformes de données de santé – qu’il s’agisse d’infrastructures nationales, d’agences européennes ou d’infrastructures de recherche – dans un réseau de ‘nœuds’ et de relier ce réseau à des services centraux disponibles au niveau européen.
La Commission européenne a dévoilé le 3 octobre 2022 les cinq premiers cas d’usage sélectionnés pour étudier la faisabilité et l’intérêt de déployer EHDS et le potentiel d’une réutilisation des données de plusieurs pays européens :
Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) souhaite démontrer la possibilité d’utiliser le réseau de plateformes de données de l’EDS pour assurer la surveillance de la résistance antimicrobienne. Le projet mobilisera des données finlandaises et belges. |
L’agence européenne des médicaments (EMA) souhaite identifier les risques de troubles de la coagulation chez les patients atteints du Covid-19. Le projet mobilisera des données danoises, finlandaises, croates et françaises ainsi que le réseau Darwin Eu. |
Sciensano souhaite comparer l’utilisation de tests, les hospitalisations et l’adhésion à la vaccination en population générale, chez les sous-populations vulnérables, et par indicateurs socio-économiques. Le projet mobilisera des données belges, danoises, croates, norvégiennes, finlandaises, hongroises et françaises. |
Le Health Data Hub souhaite comparer les parcours de soins dans différents pays pour les maladies cardio-métaboliques et prédire les trajectoires par l’utilisation de l’intelligence artificielle. Le projet mobilisera des données françaises, finlandaises, danoises et hongroises. |
L’institut de recherche Elixir souhaite mobiliser et mettre en relation des données cliniques et génomiques pour répondre à des questions de recherche en matière de cancer colorectal. Le projet mobilisera des données belges, hongroises et danoises. |
En montrant les avantages d’un tel projet et en testant de premiers cas d’usage, le consortium espère définir comment mettre en place un tel espace de santé européen.
